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voies détournées qu’ils espéraient y arriver ; ils avaient imaginé la création d’une union restreinte au nord du Mein qui, inspirée de l’idée nationale, devait être un foyer irrésistible de propagande et forcer successivement tous les gouvernemens allemands à se placer sous l’hégémonie prussienne. S’emparer de l’idée unitaire et s’en constituer le représentant, se faire aux yeux de l’Autriche et de la Russie un mérite du refus de la couronne impériale, et, en échange de cette feinte modération, s’autoriser à former avec les petits états du nord et au besoin avec ceux du sud, sous le prétexte de les protéger contre la révolution, une confédération restreinte, présidée par la Prusse, ayant un collège ou chambre haute, composé des princes de l’union, et un parlement dont le siège serait à Erfurt, tel était leur plan. Le roi et son conseiller devaient bientôt s’apercevoir qu’ils avaient joué imprudemment avec le patriotisme germanique et s’humilier impuissans devant leurs ambitieuses conceptions, le jour où l’Autriche, sortie de ses épreuves intérieures, réclamerait péremptoirement la restauration de la vieille Allemagne.

Si M. de Radowitz représentait officieusement, dans les conseils de la couronne, le côté aventureux et hardi de la politique prussienne, le comte de Brandebourg, le président du conseil, et M. de Schleinitz, le ministre des affaires étrangères, en étaient les interprètes inquiets, hésitans, mais officiels. Ils sentaient que les grandes occasions, offertes en 1848 aux ambitions les plus audacieuses, étaient passées. Une confédération faite à l’encontre de l’Autriche et de ses partisans au profit de la Prusse, avec un parlement libéral et un collège de princes réactionnaires, ne leur semblait pas viable. Ils se méfiaient du roi, de sa mobilité et de ses défaillances ; ils ne le croyaient pas de force à dominer les événemens, à tenir tête aux orages qu’il provoquerait. — L’Autriche s’inclinerait-elle devant le vote du parlement de Francfort qui l’avait exclue de l’Allemagne, ou bien reprendrait-elle, dans la confédération germanique restaurée, la place prépondérante qu’elle tenait des traités de Vienne ? Telle était dans toute sa gravité la question posée en 1850 entre les deux cabinets. Vainement recourait-on de part et d’autre à des expédiens pour se raccorder sur le terrain diplomatique, l’entente était impossible, car la Prusse la faisait dépendre de la reconnaissance de l’union restreinte et l’Autriche ne consentait à traiter qu’à Francfort, auprès de la diète reconstituée, ce qui impliquait la reconnaissance de l’état des choses avant 1848.

Déjà le particularisme se réveillait de toutes parts. Les quatre royaumes, le Hanovre, la Saxe, le Wurtemberg et la Bavière, se coalisaient pour résister aux empiétemens de la Prusse, et tout laissait prévoir que le prince de Schwarzenberg, appelé à prendre en main la direction de la politique autrichienne et certain de