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combien les frais seraient diminués si l’on procédait, d’une manière générale, par avertissement, au lieu de lancer une citation ! Quelle nécessité y a-t-il de signifier tous les jugemens contradictoires, rendus par cette même juridiction de simple police, lorsqu’en matière correctionnelle où les peines sont bien plus élevées, la seule expiration du délai rend le jugement définitif ? L’assimilation n’est-elle pas toute naturelle ? D’autant plus que l’immense majorité de ces sentences est acceptée sans réclamation par les délinquans qui en attaquent à peine sept sur mille. Quant aux 20,000 jugemens par défaut, dont la signification coûte chaque année à l’État une somme d’au moins 200,000 francs, on pourrait en économiser la moitié en invitant les condamnés à déclarer, par un avis retourné rempli et signé, s’ils acceptent ou non la sentence. Autre économie à réaliser : la substitution aux huissiers du service des postes, pour la transmission sous pli recommandé des mandats de comparution, des citations à prévenus et à témoins. Le prix de la lettre recommandée est de 0 fr. 40, tandis que les honoraires dus à l’huissier varient de 1 franc à 1 fr. 75. Ce système fonctionne déjà pour certaines pièces et n’a donné lieu en pratique à aucune difficulté. Enfin, s’il est vrai que la taxe de séjour allouée aux témoins soit notoirement trop faible, l’indemnité de déplacement est incontestablement trop élevée. Un témoin reçoit 1 fr. 50 par myriamètre parcouru ; avec les billets d’aller et retour il parcourt le myriamètre pour 0 fr. 90 en première classe, 0 fr. 70 en seconde et 0 fr. 50 en troisième. D’où il suit qu’un témoin appelé de Marseille à Paris réalise 100 francs de bénéfice en seconde et 142 francs en troisième classe. Pour la constatation de faits matériels, les procès-verbaux de gendarmes et officiers de police judiciaire ne devraient-ils pas, sans exception, faire foi en justice ? Un procès-verbal de gendarme est admis, jusqu’à preuve contraire, à l’égard d’un braconnier, et peut entraîner contre ce dernier une condamnation à quatre mois de prison, tandis que le procès-verbal dressé par le même agent, à l’égard d’un mendiant surpris en flagrant délit de mendicité, ne sera invoqué qu’à titre de renseignement.

Toutes ces réductions de dépenses profiteraient à l’Etat pour les trois quarts, puisqu’un quart seulement des condamnés est en général solvable, et pour ce dernier quart on éviterait de leur infliger, sous forme de dépens, un supplément de peine que la loi n’a pas prévu. Nous sommes déjà, à cet égard, en progrès notable sur l’ancien régime : aujourd’hui chaque affaire criminelle, jugée contradictoirement par une cour d’assises, coûte en moyenne 300 francs ; il y a deux siècles une condamnation à mort, aussi économique que possible, faisait débourser à la partie civile,