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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 93.djvu/611

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la proportion des confirmations est également la même dans les deux cas (68 pour 100). » Quel plus grand éloge peut-on faire de nos tribunaux de commerce ! Il est un détail plus frappant encore : « En ce qui concerne les affaires commerciales, la proportion des confirmations est un peu plus faible à l’égard des décisions rendues par les tribunaux civils, jugeant commercialement (63 pour 100), que pour celles qui émanent des tribunaux consulaires (69 pour 100). » Ainsi l’on n’a rien à alléguer contre ces tribunaux consulaires ; non-seulement ils jugent aussi bien, mais ils jugent mieux que les autres. Il existe pourtant, chacun le sait, un ardent esprit de jalousie envers les juges commerciaux, chez tous ceux qui, de près ou de loin, magistrats, avocats, avoués, touchent à la justice civile ; volontiers ils les représenteraient comme des courtiers marrons qui usurpent, qui tout au plus jouissent par tolérance de ce qui régulièrement leur appartient. On ne saurait s’étonner de cette tendance, mais que penser d’un pays qui se dit ami du progrès et qui conserve parallèlement deux justices : l’une rapide et bon marché pour les commerçans et les actes de commerce, l’autre lente et onéreuse pour les autres actes et les autres hommes ?

Que nous ayons réduit, depuis soixante-dix ans, notre personnel judiciaire, nul ne peut le nier ; même il est naturel de se demander. en parcourant les almanachs du premier empire, quelle pouvait bien être la besogne de tribunaux qui avaient huit, neuf, dix et douze juges, pour des ressorts qui se contentent aujourd’hui de trois ou de six, tandis que la population a doublé. Tout récemment, la loi de 1883 supprimait 614 sièges de magistrats, et cette suppression n’a causé, — on l’a constaté depuis, — aucun ralentissement ni dans l’expédition des affaires ni dans la part que les membres du parquet prennent à l’instruction. N’y aurait-il pas encore d’autres réformes utiles ? On évalue de 4 à 500 le nombre des jugemens civils contradictoires qu’un tribunal peut rendre par année en tenant quatre audiences par semaine et en siégeant quatre heures par audience. Il est effectivement la moyenne des grandes villes ; à Lyon cette moyenne est de 700, et à Paris de 1,300 par chambre. Mais, sur la totalité du territoire français, il n’y a que 75 tribunaux réellement occupés, dans lesquels plus de 300 affaires sont expédiées par trois ou quatre magistrats. Vingt-quatre tribunaux avouent ne tenir que deux audiences par semaine ; en réalité près de 150, qui figurent pour trois audiences, tiennent l’une d’elles pour la forme.

Pourquoi, dans ces conditions, n’exécuterait-on pas le projet de M. Picot, qui consistait à ne laisser en résidence fixe à ces petits