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Maximilien, — c’est-à-dire à La Bruyère, — d’avoir, en les évitant dans ses Caractères, fraudé la partie la plus difficile de l’art d’écrire. Tout cela, c’est chez lui préoccupation d’artiste, sentiment délicat et profond des difficultés de l’art, conscience du pouvoir secret et de la mystérieuse vertu de la forme. Mais n’est-ce pas une preuve aussi que dans l’histoire de l’art, comme dans la nature même, rien ne se perd ni ne se crée, puisque effectivement ce souci de la forme, si Boileau le doit à quelqu’un, c’est à ces Précieux dont il s’est tant moqué ? Car la préciosité n’est rien d’autre, en dernière analyse, que le désir d’ajouter aux choses que l’on dit un prix qu’elles tiennent beaucoup moins d’elles-mêmes que de la manière dont elles sont dites.


III

Telle est la doctrine de Boileau, j’entends réduite à ses traits essentiels, car, sans doute, je n’ai ni tout dit, ni même tout ce que j’en pourrais dire. Ainsi, je n’ai parlé ni de la distinction, ni de la hiérarchie des genres, qui passe pour en faire un article considérable, ni de plusieurs articles moins importons, dont je pense que l’on aura vu les liaisons avec la théorie de l’art pour l’art, bu avec le principe de l’imitation de la nature. Mais ce qu’il était surtout intéressant de montrer, c’était, dans la doctrine, l’enchaînement des idées, leur génération successive, et comment, les unes les autres, en s’opposant elles s’équilibrent, se tempèrent en s’associant, et en se développant se limitent. Il fallait pour cela négliger les détails, dont on ne peut pas prétendre, à la vérité, que Boileau lui-même se soit soucié médiocrement, mais qui pourraient différer de ce qu’ils sont, et la doctrine cependant n’en être qu’à peine altérée.

Les contemporains ne l’acceptèrent point sans protestation, et sans parler des innombrables libelles qu’au temps de sa jeunesse les Cotin, les Boursault, les Pradon, qui encore ? les Pinchêne même avaient fait pleuvoir sur l’auteur des Satires, il suffira de rappeler ici cette « Querelle des Anciens et des Modernes » qui faillit troubler la tranquillité de ses dernières armées. Depuis qu’en effet, en 1677, il avait été nommé, avec Racine, « pour écrire l’histoire du roi, » il semblait avoir abandonné le « métier de la poésie. » Dans les dernières éditions de ses Œuvres, en 1683, en 1685, il avait donné cinq Épitres nouvelles, les deux derniers chants du Lutrin, sa traduction du Traité du sublime, quelques pièces en prose ; et, il croyait bien n’avoir plus désormais qu’à jouir paisiblement de sa gloire, quand les Perrault parurent. Ils