jeu sur les folies et les chimères de notre vie politique, sur les fautes et les vices mêmes. Il est pourtant une justice à nous rendre et M. de Treitschke nous la rend. On vante comme des modèles les institutions de l’Angleterre et de la Prusse ; mais « la France ne possède ni Irlande ni Pologne, toutes ses provinces sont françaises de toute leur âme. » M. de Treitschke écrivait ces lignes en 1869. Depuis il a reproché à M. de Bismarck, comme une lourde faute, l’organisation de l’Alsace en pays d’empire ; on devait en faire une simple province prussienne, la soumettre à la discipline prussienne, preussisclte Zacht, au dressage à la baguette et qui implique correction (zuchtigen), une de ces expressions consacrées, homériques, qui reviennent à tout instant sous la plume de M. de Treitschke trahir sa préoccupation constante. « Les Alsaciens apprendront à nous aimer quand la forte main de la Prusse aura fait leur éducation… ils se réconcilieront avec leur sort,.. ils oublieront la domination française comme les Poméraniens ont oublié le régime suédois. » Une expérience de vingt années a jusqu’à présent peu justifié ces prévisions.
Ce tableau de notre histoire contemporaine depuis un siècle sert en quelque sorte de repoussoir au développement régulier, à l’évolution organique de la monarchie prussienne. Ce n’est plus comme essayist, c’est comme historien, que M. de Treitschke, après la guerre de 1870, qui lui fournissait une conclusion victorieuse, a écrit son œuvre la plus considérable, l’Histoire de l’Allemagne au XIXe siècle, dont trois volumes déjà parus nous conduisent jusqu’à la révolution de 1830.
La façon de comprendre et d’écrire l’histoire a suivi en Allemagne les courans contraires de l’opinion. Sous l’influence des idées du XVIIIe siècle, il y a eu les historiens de l’école humanitaire, tels que Schlosser, et durant les années pacifiques du milieu du siècle, les historiens de la science pure, désintéressée, tels que Ranke ; puis les historiens de la nationalité et du libéralisme. Cervinus, Hausser ; enfin les historiens de la propagande prussienne, Droysen, Sybel, Treitschke. M. de Treitschke s’exprime avec le même fond de dédain sur les tendances « libérâtres » de Gervinus, sur l’objectivité goethéenne et l’esprit aristocratique d’un Ranke, pour qui les destinées du monde semblent une partie d’échecs entre fins diplomates, comme si, dans ce conflit de forces qui constitue le drame de l’histoire, on pouvait éliminer l’action du peuple, avec ses passions, ses misères, ses vices, sa