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de l’espèce humaine. En enseignant que tous les hommes descendent du même Adam, de la même Eve, la Bible les proclamait tous libres, égaux et frères. Et, comme les principes de la Révolution, ses espérances sont à nous : cette unité, cette fraternité humaine, nos prophètes l’ont montrée dans l’avenir, non moins que dans le passé. Ils en ont fait l’idéal d’Israël. La Révolution n’a été, à son insu, que l’exécuteur testamentaire d’Isaïe. Rénovation sociale, égalité des droits, relèvement des humbles, suppression des privilèges et des barrières de classes, fraternité des races, tout ce qu’a tenté ou rêvé la Révolution a été annoncé, il y a quelque vingt-cinq siècles, par nos voyans. Ils ont prédit une humanité nouvelle, une Sion agrandie où toutes les nations trouveraient place et se reposeraient à l’ombre de la Justice. La reconstruction de Jérusalem, le règne du fils de David décrit en leurs radieuses paraboles, c’est ce qu’a prétendu effectuer la Révolution ; c’est, sous une forme mystique, la régénération et la pacification des sociétés humaines, le règne de la raison, le développement de la richesse et du bien-être, les miracles de l’industrie et de la science qui doivent renouveler la face de la planète. Ce que nos pères nommaient le Messie, vous l’appelez le Progrès. La foi au progrès est une idée juive : le progrès de l’humanité est notre religion. C’est, pour le juif, un devoir d’aider à la réalisation des espérances du messianisme, partant à l’achèvement de la Révolution qui a inauguré l’ère messianique. La cause de la Révolution est la cause de Jacob. Nos rabbins, nos médecins, nos docteurs du moyen âge travaillaient déjà sourdement pour elle, dans leurs sordides écoles. Liberté et égalité, sans distinction de caste, de race, de religion, c’est le triomphe des mieux doués, c’est la domination de l’esprit succédant à la tyrannie de la force. Il n’en faut pas davantage à Israël. Sur les débris des féodalités bardées de fer et des noblesses chamarrées de rubans, s’élèvera l’aristocratie naturelle, la véritable aristocratie des meilleurs, aristocratie de l’intelligence à qui revient de droit l’empire du monde. Ainsi s’accompliront les prophéties et les promesses de Jahvé à son peuple. — Je bois à l’avènement du Messie et à la Révolution émancipatrice de Jacob. »

Ce discours fut accueilli par un grand tumulte ; les quolibets entrecoupaient les protestations. Un député antisémite d’Autriche interpellait violemment l’Israélite, sans pouvoir obtenir le silence. Par-dessus les cris perçait la voix stridente d’un jeune noir de Port-au-Prince, docteur en droit et en médecine des facultés de Paris. « Et nous aussi, vociférait le docteur noir, en frappant la table du poing, nous, maudits en la personne de Chanaan et exilés de la fraternité humaine, nous, dont on osait fonder la servitude sur