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Discours de Cicéron, quelques Satires d’Horace et de Juvénal ; puis les Tusculanes, les Traités de critique de l’orateur romain et de Quintilien. A partir de la quatrième, on commençait à joindre à l’étude du latin quelques principes de la langue grecque que Ramus et les Ronsardisans avaient mise à la mode.

La grande méthode d’instruction, en dehors de la lecture et de l’explication des auteurs, c’était le développement littéraire, que l’on qualifiait chria ou sententia.

On empruntait les sujets de ces développemens aux livres éminemment classiques du rhéteur Aphtonius ; par exemple, il fallait prouver par principes et par points « que les racines de la science sont amures, mais que ses fruits sont doux, » — ou bien il fallait déclamer « contre la tyrannie. » Le discours latin était également très en usage, et, dès cette époque, les écoliers mettaient en prose ou en vers « les paroles d’Hécube après la prise de Troie, » — « les plaintes de Niobé sur la mort de ses enfans. »

Les cahiers de notes, de tours de phrase, de sentences littéraires ou philosophiques, étaient en grand usage ; des collèges, ils avaient gagné la littérature, le barreau, la chaire, et les avaient cruellement infestés.

Du jeune gentilhomme pouvait en rester là, et c’était déjà beaucoup s’il accomplissait le cycle complet de ces études littéraires. Bien peu abordaient la philosophie, qui les retenait deux ans encore. La philosophie, c’était, à proprement parler, la logique et les sciences, ou plutôt c’était la lecture et le commentaire des œuvres d’Aristote ; les catégories d’abord, puis les analytiques, les Topiques, l’Éthique ; enfin, dans la seconde année, la physique et la métaphysique, qui se complétaient par les notions de la sphère et quelques livres d’Euclide. Les « philosophes » s’habituaient à parler en public. A de certaines époques de l’année, ils se disaient prêts à disputer contre tout venant.

Cette éducation était forte, étroite, toute de méthode et de rigueur. Elle se pliait peu à l’enfant, mais le pliait. Il est à croire que la rigidité même du système le rendait d’une application difficile et rare. Il réservait toute sa rudesse pour les vaillans fils du peuple venus à pied du fond de leur province, afin d’entendre, sur la paille de la rue du Fouarre, les lectures des professeurs célèbres. Mais il se montrait moins sévère pour l’essaim des jeunes gentilshommes qui venaient le matin au collège en externes, déjà vêtus de dentelles et de plumes, les bottes molles, et, derrière, le précepteur domestique avec les livres et le carton.

On a conservé quelque trace du passage de Richelieu au collège de Navarre, et l’historien de ce collège dit qu’il y avait fait sa