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corps des sorbonistes, en considération de sa dignité, s’ouvrit immédiatement pour lui ; le 31 octobre, « il était admis dans l’hospitalité de la maison. »

Ainsi, menant de front à la fois toutes les études et toutes les ambitions, le jeune prélat justifie les unes par les autres. En moins de trois ans, sa nouvelle carrière est tracée, occupée, déblayée. Bientôt, sa jeunesse elle-même ne lui sera pas un obstacle, et il n’en rencontrera plus d’autre que la trop claire supériorité de son génie.


L’année 1608, qui termine pour Richelieu cette période laborieuse, le trouve malade, dévoré des fièvres qui seront, toute sa vie, le prix de son immense dépense d’activité et d’énergie. Cependant à Paris, où il demeure un an encore, il ne perd pas son temps. Il prêche, et se place déjà au rang des orateurs écoutés ; il fréquente la cour, et s’empresse auprès d’un roi qui l’aime, et qui l’appelle familièrement son évêque.

Il étend ses relations dans le clergé, s’attache particulièrement à la haute et influente personnalité du cardinal du Perron, et se met en quelque sorte, dans son ombre.

Il fréquente aussi à la ville, y renoue les anciennes relations, eu crée de nouvelles. On pourrait croire qu’il va devenir un de ces prélats de cour que les mœurs du temps tolèrent, et qui, parmi les intrigues et les complaisances, cherchent le chemin des faveurs et des hauts emplois. Il a déjà des visées politiques. On le sait, on le sent. Paris et la présence du roi sont le lieu des grâces, des sollicitations, des hasards imprévus qui distinguent un homme et le mettent soudain sur le pinacle.

Tous les désirs et toutes les combinaisons roulent à la fois dans cette jeune tête. Enfui, il se décide. Mais tout au contraire de ce qu’on eût pensé, il prend sur lui-même de quitter Paris, la cour, les premières espérances et les premiers succès. Il part et va s’enfouir au fond de la province, dans son évêché de Luçon. On pouvait craindre un prélat de cour et d’intrigues : Richelieu déroute tous les pronostics en se déclarant évêque sérieux et résident.

Après avoir mis ordre à ses affaires, fait de nombreuses visites d’adieux, s’être bien assuré, par des promesses de correspondance réciproque, qu’il ne serait pas trop oublié ; après s’être recommandé à tout ce qui pouvait lui être utile, depuis le roi jusqu’aux simples commis de la poste, notre évêque emprunte à son ami, M. de Moussy, un carrosse tiré par quatre chevaux, et malgré l’épuisement d’une longue maladie et d’une lente convalescence, malgré les rigueurs de la saison, il se met en route pour le Poitou.

À travers les difficultés d’un voyage d’hiver à cette époque, il