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D’où vient pourtant que les griefs articulés contre une institution aussi libérale en principe et en fuit, on dirait presque aussi démocratique puisqu’elle offrait une sanction à tous les efforts, une récompense aux talens de toutes les origines, — d’où vient que les accusations dont elle se trouva être l’objet, vers La fin du XVIIIe siècle, portèrent sur sa prétendue intolérance et sur ce qu’on appelait son autorité despotique ? Passe encore si les agresseurs s’étaient rencontrés parmi ceux que la médiocrité de leurs talens devait tout naturellement tenir à distance de ce corps d’élite. On comprendrait que, désespérant d’y entrer jamais, ils eussent, dans l’intérêt de leur vanité, jugé bon de travailler à le détruire ; mais les premières dénonciations, et, bientôt, les plus violentes attaques ne partirent pas de ce cote. Ce fut dans le sein de l’Académie elle-même que se recrutèrent d’abord les insurgés. Dès l’armée 1789, presque au lendemain de la prise de la Bastille, douze académiciens ou agréés s’unissaient à David pour préparer le renversement d’une autre forteresse, de celle-là même dont ils avaient la garde et que, en attendant le moment de la livrer, ils signalaient, sous le nom de « bastille académique, » à l’indignation et aux vengeances des amis de la liberté. Dans un mémoire revêtu de la signature de ces treize rebelles, la question était ainsi posée : « Tolérera-t-on plus longtemps qu’un tribunal autocratique et permanent reçoive, place, juge des hommes, des artistes éminens ? N’est-il pas urgent, au contraire, d’affranchir ceux-ci d’une « subordination sans exemple ? »

Rien de mieux, en conséquence, pour satisfaire au vœu des auteurs du mémoire, que de décréter purement et simplement la suppression de ce tribunal tyrannique ; c’était Là ce que voulaient sans arrière-pensée, au moins pour le moment, les ennemis les plus intraitables de l’Académie ; mais, même parmi les signataires de l’acte d’accusation dressé contre elle, il s’en trouvait plusieurs dont les visées étaient différentes. Ils entendaient bien ne pas laisser se prolonger l’état actuel des choses ; mais, comme certains hommes politiques d’alors, les songeaient déjà à enrayer le mouvement une fois imprimé et se seraient volontiers accommodés d’une réforme là où d’autres, plus imprudens ou plus haineux, se proposaient ouvertement d’accomplir une résolution. Aussi, avec le concours