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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 94.djvu/163

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à l’ensemble de l’Institut, tout engageait au même degré la responsabilité de ses membres, quels qu’ils fussent.

Les choses, dans la pratique, ont progressivement changé depuis cette époque ; mais la doctrine en vertu de laquelle l’Institut était fondé, il y a près d’un siècle, n’a pas cessé d’être respectée dans ce qu’elle avait d’essentiellement juste et de profitable à la dignité de tous. Si les diverses classes jouissent maintenant d’une indépendance relative qu’on avait refusé de leur attribuer au début, elles n’en restent pas moins unies entre elles par des liens qui, pour n’être plus gênans comme autrefois, ne se sont pas, tant s’en faut, relâchés outre mesure. Une commission centrale administrative composée de membres délégués par chacune des cinq Académies pour régler les affaires ou pour préparer les mesures d’un intérêt général, — des séances trimestrielles dans lesquelles ces cinq Académies examinent en commun des questions à l’ordre du jour ou entendent la lecture de récens travaux, — la présidence annuelle de l’Institut déférée au président de chaque classe, à tour de rôle, — certains prix périodiquement décernés, sur la proposition de l’Académie compétente, par l’Institut tout entier, — d’autres traditions restées en rigueur, d’autres coutumes encore, prouvent assez qu’aucune scission sérieuse ne s’est produite, qu’aucune transformation imprudente n’est venue compromettre, encore moins démentir la grande et généreuse pensée dont l’institution même est issue.

À quoi bon insister du reste et renouveler, au risque de l’affaiblir, une démonstration faite ailleurs dans les termes les plus concluans ? Pour mettre en relief les différences entre les conditions qui régissent aujourd’hui l’Institut et celles qui lui avaient été imposées à l’origine, le plus sûr comme le plus court sera de rappeler ici les paroles par lesquelles un juge excellent caractérisait naguère les deux situations. « L’Institut actuel, a dit M. Jules Simon[1], est comme une république fédérative où chaque état garde son autonomie, sauf quelques réserves d’intérêt général. L’Institut de l’an IV était une république une et indivisible qui s’efforçait d’astreindre un géomètre et un musicien aux mêmes préoccupations et aux mémos labeurs : assujettissement également insupportable à l’un et à l’autre, et qu’on ne pouvait tenter sérieusement de mettre en pratique que dans un moment de nivellement universel et d’intrépidité à toute épreuve. »


HENRI DELABORDE.

  1. Une Académie sous le Directoire.