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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 94.djvu/172

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un immense delta qui, de même que celui du Nil, est destiné un jour à féconder de grandes rizières. Le fleuve est navigable, jusqu’à 900 milles de son embouchure, pour des bateaux à vapeur d’un faible tonnage ; et les montagnes qui bordent ses rives, sur la plus grande partie de son cours, sont également riches en arbres de haute futaie et en minerais.

Autrefois, le climat de la Birmanie était réputé très malsain ; depuis qu’il a été mieux étudié, cette opinion s’est modifiée, et il a été reconnu plus salubre que celui de Siam et celui de Cochinchine. Ce n’est jamais pourtant sans impunité que l’Européen séjourne dans les forêts non encore exploitées ; il y est pris de fièvres lentes qui, à la longue, ont raison des tempéramens les plus robustes. Le colon assez téméraire pour assister en personne à un défrichement peut compter les jours qui lui restent à vivre aussi sûrement qu’un condamné à mort. Il est, comme en toutes choses, des exceptions. C’est ainsi que M. J. Arman Bryce, l’un des membres les plus distingués du Royal Colonial Institute, a raconté qu’il avait passé de longues journées dans les montagnes boisées de la Birmanie sans être malade ; mais il a dû ajouter qu’il n’en avait pas été de même de ses compagnons, qui, tous, avaient été frappés. Les produits du sol de la Birmanie sont aussi variés que le climat ; le plus important de tous est le riz qui, dans le delta, couvre de ses blonds épis d’immenses étendues. L’exportation des céréales, en peu d’années, a atteint plus de 1 million de tonnes, ce qui représente une somme de 125 millions de francs. La canne à sucre se cultive sur une très petite échelle, quoique le terrain lui soit très favorable et que les Birmans aiment avec passion les sucreries ; aussi, leur indolence habituelle et leur gourmandise incorrigible les obligent à faire venir de l’Inde anglaise et des détroits de la Sonde des cannes et des palmiers aux sucs emmiellés. Le tabac s’y cultive partout, et de préférence dans les terrains légèrement sablonneux et humides. La feuille, qui ne subit aucune préparation chimique, se roule en cigares d’un pied de long. Tout le monde fume, depuis l’enfant qui commence à marcher jusqu’au vieillard qui se traîne. Rien de plus comique que de voir un petit être ayant à l’oreille, — l’oreille est son porte-cigare habituel comme elle est le porte-monnaie du Tagale, — une énorme cigarette. Les carottes de tabac, exportées en si grande quantité de Birmanie pour être fumées aux Indes et en Europe, ne sont pas récoltées dans le premier de ces pays comme on pourrait le croire ; elles y sont importées de la côte du Coromandel et du Bengale pour être nettoyées de leur salpêtre, roulées et ensuite réexpédiées à Londres et à Anvers. On a planté du café, avec succès, au sud de Tenasserim, et cette région,