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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 94.djvu/231

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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 juin.

Jamais, dans notre vie inconstante et agitée, il n’y eut plus de discours, sans parler même des discours des chambres, qui ne sont pas pour l’agrément. Jamais il n’y eut plus de banquets et de congrès, plus de rencontres entre des hommes de toutes les nations, plus de paroles flatteuses, plus de souhaits de bienvenue et de concorde échangés à travers les contestations moroses de la politique et les bruits discordans de l’Europe.

L’Exposition a fait cette merveille de créer au Champ de Mars ou même sur la tour Eiffel une sorte de neutralité d’un nouveau genre à la faveur de laquelle on se réunit pour parler de tout ou même de rien. Elle a cette fortune d’être le rendez-vous universel et de donner du travail à ceux qui veulent faire les honneurs de Paris. M. le président de la république, dans ses visites au Champ de Mars, s’entretient avec les chefs d’industrie, avec le prince de Monaco ou avec le président de la Société des secours aux blessés, M. le maréchal de Mac-Mahon qui, en homme de rectitude militaire, l’a reçu en grand uniforme. M. le président du conseil, quand il n’a pas à répondre à quelque interpellation qui ne lui sourit guère, joue son rôle de commissaire-général préposé aux grandes réceptions. M. le ministre de l’instruction publique, quand il n’a pas à soutenir devant le Sénat une médiocre loi sur les instituteurs, préside aux cérémonies de la littérature et des arts. Des réunions, des banquets, des congrès de toute sorte pour l’a paix ou pour l’émancipation des femmes, des fêtes de nuit au parc de Monceau ou autour des fontaines lumineuses, ce n’est pas ce qui manque, — ni les discours non plus, — pour la distraction des Français et des étrangers. C’est le bon temps : si seulement cela pouvait durer toujours ! Malheureusement, il est trop vrai, rien n’est sans mélange, rien ne dure, pas même les plus belles expositions et les fêtes qui les accompagnent. Rien ne peut faire oublier qu’au moment même où la tour Eiffel s’illumine chaque soir,