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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 94.djvu/318

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C’est le seul appui que la France ait prêté à la Russie : mais il a son prix. Ce qu’ils ont fait pour l’empire autocratique, les capitaux français étaient tout prêts à le faire pour l’Italie libérale. Que leur eut-il fallu pour cela ? La foi dans les déclarations pacifiques de la Consulta. Un pays qui voit son voisin armer contre lui regarde naturellement à lui confier ses économies.


Poursuivons cette enquête. L’Italie a été durement atteinte par la dénonciation du traité de commerce avec la France. Tout a été dit des deux côtés, sur cette rupture inégalement préjudiciable aux deux pays. Celui qui devait y perdre le plus est celui qui en a pris l’initiative. Avec le courant protectionniste qui envahit l’Europe, avec la répugnance contre les conventions commerciales soulevées chez nous par le traité de Francfort, en face des souffrances de l’agriculture et de la viticulture françaises, devant les défiances suscitées de ce côté des Alpes par les alliances de l’Italie, le traité de commerce ne pouvait être renouvelé qu’à force de prudence et de patience. Le tort du gouvernement italien a été de ne pas le comprendre. Pourquoi l’Italie a-t-elle dénoncé un traité dont le renouvellement lui importait dix fois plus qu’à la France ? Par amour-propre, pour ne pas s’exposer à être prévenue par la France, comme si les vignerons de la Pouille et de la Sicile ne valaient pas une satisfaction de vanité. De même, dans les négociations pour un nouveau traité. Le gouvernement italien a voulu l’emporter de haute lutte ; il a prétendu imposer sa méthode, faire accepter comme base de négociations le tarif général de M. Ellena, tarif de guerre dressé ad hoc, spécialement contre nous. Le procédé était peu sérieux ; eut-il été légitime, c’était à l’Etat le plus intéressé au traité à se montrer le plus coulant. Le ministère italien a bien voulu, après coup, se départir de ses premières exigences ; il se fût contenté de quelque modus vivendi ; mais il était trop tard. Ses procédés avaient indisposé l’opinion française ; l’ouverture de la guerre de tarifs avait déjà tourné visiblement au détriment de la péninsule ; puis, comment faire voter un traité de commerce par une chambre au terme de son mandat ? En d’autres circonstances, l’intérêt politique, le désir de nous concilier l’amitié de nos voisins eût pu faciliter la conclusion d’un traité. Il en avait été ainsi en 1881 ; mais comment, en 1888, la politique y eût-elle aide ? Pendant qu’elle était en négociations commerciales avec la France, l’Italie resserrait, avec ostentation, les nœuds de l’alliance allemande.

Certains de nos voisins semblent s’être fait un programme singulier : alliance sur terre avec l’Allemagne et l’Autriche, alliance sur mer avec l’Angleterre, convention commerciale avec la France,