cachés à Pythagore, à Platon, à tous les philosophes de la Grèce et même au divin Épicure, qui pourtant affranchit l’homme de toutes les vaines terreurs. Tu nous obligeras en nous disant par quel moyen ces trois mortels acquirent des connaissances qui avaient échappé à la méditation des sages.
Faut-il donc te répéter, Dorion, que la science et la méditation ne sont que les premiers degrés de la connaissance et que l’extase seule conduit aux vérités éternelles ?
Il est vrai, Zénothémis, l’âme se nourrit d’extase comme la cigale de rosée. Mais disons mieux encore : l’esprit seul est capable d’un entier ravissement. Car l’homme est triple, composé d’un corps matériel, d’une âme plus subtile, mais également matérielle, et d’un esprit incorruptible. Quand, sortant de son corps comme d’un palais rendu subitement au silence et à la solitude, puis traversant au vol les jardins de son âme, l’esprit se répand en Dieu, il goûte les délices d’une mort anticipée ou plutôt de la vie future, car mourir, c’est vivre, et, dans cet état qui participe de la pureté divine, il possède à la fois la joie infinie et la science absolue ; il entre dans l’unité qui est tout. Il est parfait.
Cela est admirable. Mais, à vrai dire, Hermodore, je ne vois pas grande différence entre le tout et le rien. Les mots même me semblent manquer pour faire cette distinction. L’infini ressemble terriblement au néant : ils sont tous deux inconcevables. A mon avis, la perfection coûte très cher : on la paie de tout son être, et pour la posséder il faut cesser d’exister. C’est là une disgrâce à laquelle Dieu lui-même n’a pas échappé depuis que les philosophes se sont mis en tête de le perfectionner. Après cela, si nous ne savons pas ce que c’est que de ne pas être, nous ignorons par là même ce que c’est que d’être. Nous ne savons rien. On dit qu’il est impossible aux hommes de s’entendre. Je croirais, en dépit du bruit de nos disputes, qu’il leur est au contraire impossible de ne pas tomber finalement d’accord, ensevelis côte à côte sous l’amas des contradictions qu’ils ont entassées comme Pélion sur Ossa.
J’aime beaucoup la philosophie et je l’étudié âmes heures de loisir. Mais je ne la comprends bien que dans les livres de Cicéron. Esclaves, versez le vin miellé !