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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 94.djvu/386

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Paris, lui avait valu la direction d’une entreprise analogue à Berne, sans compter d’autres travaux importons-à exécuter dans la même ville. En outre, Antoine avait été chargé de construire pour le prince de Salm un palais à Salm-Kyrburg. Obligé, en raison de ces travaux, de séjourner plus ou moins souvent hors de France, il perdait forcément l’avantage que pouvait procurer à ses confrères la continuité de leur résidence à Paris. Gondoin et de Wailly, en réalité, bénéficiaient donc assez largement files circonstances ; mais on ne saurait pour cela voir dans leur nomination, à l’époque où elle était faite, le simple résultat d’une faveur.

Ce n’était pas non plus à la faveur seule que Méhul, — le plus jeune de beaucoup des membres fondateurs de la troisième classe[1], — devait d’être choisi avant des vétérans illustres de la musique, tels que Gossec et Grétry. A cette époque, il est vrai, Méhul n’avait écrit encore ni Joseph, ni l’Ouverture du jeune Henri, ni l’Irato, c’est-à-dire les œuvres qui ont le plus contribué à sa gloire ; mais il avait fait représenter déjà Euphrosine et Coradin en 1790, Stratonice en 1792, et l’opinion exprimée plus tard par Grétry lui-même sur le premier de ces deux ouvrages ne suffirait-elle pas pour expliquer la préférence accordée tout d’abord à son jeune rirai ? « Le duo d’Euphrosine et Coradin, dit l’auteur de Richard Cœur-de-Lion dans ses Essai » sur la musique, est peut-être le plus beau morceau d’effet qui existe. Je n’excepte même pas les morceaux de Gluck… Ce duo vous agite pendant toute sa durée ; l’explosion qui est à la fin semble ouvrir le crâne des spectateurs avec la voûte du théâtre. » De plus, le célèbre Chant du Départ et d’autres hymnes patriotiques, dont plusieurs ont mérité de survivre aux circonstances qui les avaient

  1. Lorsqu’il fut désigné pour faire partie de cette troisième classe, Méhul, né le 24 juin 1763, n’était âgé que de trente-deux ans. De tous les artistes français ayant appartenu, depuis la fondation de l’Institut jusqu’à nos jours, non-seulement à la section de composition musicale, mais à une section quelconque de l’Académie des beaux-arts, Méhul est, avec le sculpteur Étienne-Jules Ramey. — élu, lui aussi, à trente-deux ans, en 1828, — celui qui comptait le moins grand nombre d’années, à la date de sa nomination. Parmi les associés étrangers, un seul, Rossini, devint, plus jeune encore, membre de l’Académie des beaux-arts, puisqu’il n’avait encore que trente et un ans quand, en 1823, il fut appelé à remplacer Paisiello. En revanche, les autres Académies fournissent des exemples de membres élus même avant qu’ils eussent atteint l’âge de trente ans. C’est ainsi que sont entrés dans l’Académie des sciences : Arago, à vingt-trois ans ; Cuvier et Cauchy, à vingt-six ; Napoléon Bonaparte, à vingt-huit ; Regnault, à vingt-neuf, et, dans l’Académie des inscriptions : Raoul Rochette, à vingt-six ans ; Abel Rémusat, à vingt-sept, et Lettonne, à vingt-neuf. A l’Académie française et à l’Académie des sciences morales et politiques, les deux membres qui siégèrent les plus jeunes furent M. Villemain, élu, en 1821, à trente ans et onze mois, et M. de Tocqueville, élu a trente-deux ans, en 1838.