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peu capricieusement en faveur du candidat qui, aux yeux des premiers juges, — les seuls tout à fait compétens en réalité, — avait paru le moins digne : mais, malgré tout, garantie plus sérieuse que la liberté originairement laissée à tous les membres de l’Institut d’agir en matière d’élections à leurs propres risques, c’est-à-dire sans avoir reçu les avis qui eussent pu le plus sûrement les éclairer et influer le plus utilement sur leurs décisions.

Cependant, quelques inconvéniens, quelques dangers même que comportât en soi la procédure suivie, dans les derniers mois de l’année 1795, pour compléter le chiffre de cent quarante-quatre auquel devait s’élever le nombre total des membres résidans[1], les nominations qu’elle amena étaient de nature à donner au nouveau corps un éclat et une autorité au-dessus de toute contestation. Sans parler des savans illustres ayant appartenu à l’ancienne Académie des Sciences, qui, comme Fourcroy et de Jussieu, venaient rejoindre dans la première classe leurs confrères d’un autre temps, les Laplace et les Monge, les Guyton de Morveau et les Berthollet, ni des représentans de la science socialo et de la législation, de l’économie politique et de la morale, appelés à siéger dans la seconde classe à côté de Daunou, de Sieyès et de Bernardin de Saint-Pierre, — on ne trouverait guère, en parcourant la liste des peintres et des sculpteurs, des architectes et des musiciens choisis à cette époque, à regretter l’omission de quelque nom plus digne d’y figurer que celui de tel des nouveaux élus. Si certains artistes que de brillans antécédens semblaient désigner aux suffrages de leurs confrères, si Doyen, par exemple, — le peintre de cette Pente des Ardens qui devait, quelques années plus tard, inspirer à Gros, de son propre aveu, l’admirable tableau des Pestiférés de Jaffa, — si Antoine, l’architecte de l’Hôtel des monnaies, et un ou deux autres encore, ne se trouvèrent pas compris dans le nombre des premiers membres de l’Institut, de pareilles exclusions ne sauraient être imputées à l’oubli, encore moins à un parti-pris d’injustice ; elles s’expliquent tout naturellement par l’obligation, que les intéressés n’auraient pu remplir alors, de résider à Paris[2]. Il fallait donc s’en tenir au choix d’artistes satisfaisant à cette condition expresse, mais il suffit de se rappeler les noms de ceux qui furent élus pour reconnaître

  1. Les élections des associés non-résidans n’eurent lieu que dans le cours de l’année suivante. Quant aux associés étrangers, ils ne furent élus, dans la troisième classe comme dans les deux autres classes de l’Institut, qu’à partir du mois de décembre 1801.
  2. Doyen, qui avait émigré en 1791, s’était fixé à Saint-Pétersbourg, où il mourut en 1806. Quant à Antoine, nous avons indiqué plus haut les motifs probables du retard apporté à son élection, qui n’eut lieu qu’en 1799.