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Cependant le poète chante le chef que Jéhova donne à son peuple : « Un jeune chef est avec nous, un héritier nous a été donné : le commandement est sur son épaule ; on le nomme l’étonnant, le sage, le divin, le père à toujours, le prince de la paix. Par lui s’agrandit l’empire, et la paix réside à jamais sur le trône de David et sur son royaume. Il est étayé sur le droit et la justice, et cela à jamais. Voilà ce qu’a fait l’amour de Jéhova Sabaoth » (9-5).

Des paroles comme celles-là ne peuvent laisser aucun doute. Il est clair qu’on n’est plus au temps de Rasin et de Phacée, mais au glorieux principat de Simon. Et les mêmes effusions reviennent presque tout de suite (-11-1) :

» Mais voici qu’il sort un rameau de la souche de Jessé (11-1), et un rejeton a poussé de ses racines. L’esprit de Jéhova repose sur lui, l’esprit de sagesse et d’intelligence, l’esprit de conseil et de force… Il juge les faibles avec justice ; il prononce avec équité pour les humbles. Il frappe le pays de la verge de sa parole, et du souffle de ses lèvres il tue le méchant. La justice est l’armure de ses reins ; la fidélité, la ceinture de ses flancs. Alors le loup habite avec la brebis, la panthère se couche près du chevreau, le jeune taureau, le lionceau, le gras bélier paissent ensemble, et un petit enfant les conduit… Le nourrisson joue près du trou de la vipère ; dans le repaire du basilic l’enfant à peine sevré met la main. On ne fait plus de mal, il n’y a plus d’injustice sur la montagne de ma sainteté (c’est donc Jéhova qui parle) ; car le pays est rempli de la connaissance de Jéhova, comme le fond de la mer est recouvert par les eaux. » Et ce morceau se termine (chap. XII) par un véritable chant de triomphe.

On a remarqué depuis longtemps que ces images de ce qu’on nomme un âge d’or rappellent un passage de Théocrite dans sa pièce 24, sur l’enfance d’Héraclès, au vers 84. Tirésias annonce qu’Héraclès doit un jour purger la terre de toutes les bêtes malfaisantes : « Un temps viendra où le loup aux dents tranchantes verra le faon dans sa couche, et ne voudra pas lui faire de mal. » Mais il est curieux de reconnaître que les versets hébraïques, au lieu d’être antérieurs à ces vers de plus de 400 ans, sont au contraire beaucoup plus modernes.

Ce tableau, à la poésie près, est d’ailleurs précisément celui que nous fait du règne, ou si on veut du principat de Simon, le Premier livre des Maccabées. Tout nous ramène donc à la grande époque de ce Simon, qui gouverna le premier Juda libre.

Mais pourquoi est-il dit que ce libérateur sort de la souche de Jessé, le père de David ? Cela signifie simplement que c’est un homme de Juda, et non plus un étranger. Quand le prince de Juda