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En annonçant un avenir heureux à son peuple affranchi, Jéhova dit qu’il va y multiplier les hommes comme des troupeaux : « comme les troupeaux des jours saints, comme les troupeaux de Jérusalem dans ses fêtes. » N’est-ce pas assez de ces quelques mots pour faire voir tout de suite que cela n’a pas été écrit pendant l’exil de Babylone ?

Mais il est temps de parler de ces prophéties au sujet de Tyr, répétées dans les trois prophètes, et dont j’avais ajourné l’examen jusqu’à l’étude d’Ézéchiel, dans l’espérance de les éclairer les unes par les autres.

Isaïe, au chapitre XXIII, nous montre, dans une description très vive, Tyr emportée d’assaut et ruinée, et, au verset 13, Assur paraît être l’auteur de cette ruine[1]. On a vu qu’Assur, dans Isaïe, signifie d’ordinaire le royaume de Syrie ; mais on ne sait pas de roi de Syrie qui ait pris Tyr.

Jérémie n’a que quelques mots au sujet de Tyr (XXII, 3 et 6) : il ne décrit ni le siège ni la prise de la ville ; mais il déclare qu’elle sera assujettie, avec d’autres pays encore, à Nabuchodonosor et à ses héritiers.

Ézéchiel enfin dit à son tour, comme Jérémie, que Tyr est prise et détruite par Nabuchodonosor (XXVI, 7), et il décrit cette catastrophe encore plus richement qu’Isaïe. Trois chapitres entiers sont remplis du détail des richesses de Tyr, de la place qu’elle tenait dans le monde, et de l’étonnement avec lequel on a appris sa chute.

Or on a vu dans ce qui précède qu’ainsi que les trois prophètes annoncent la ruine de Tyr, tous trois annoncent aussi l’invasion et la conquête de l’Égypte, et cela avec cette circonstance qu’Isaïe ne nomme pas celui qui doit soumettre l’Égypte, tandis que Jérémie et Ézéchiel nomment Nabuchodonosor. Mais on a vu aussi qu’en réalité Nabuchodonosor n’a jamais soumis l’Égypte, d’où il a fallu conclure que ce nom antique cache un autre nom. Et en effet, au IIe siècle, c’est-à-dire à l’époque où bien d’autres raisons nous ont fait rapporter les prophètes, il y a eu une invasion et une conquête de l’Égypte par Antiochus l’Épiphane.

Il y a donc lieu de présumer qu’il en est de même au sujet de Tyr, et que c’est le nom d’Antiochus l’Épiphane qui est sous-entendu encore une fois sous celui de Nabuchodonosor. Et cela est d’autant plus vraisemblable que, dans Isaïe, la ruine de Tyr est reliée à l’invasion de l’Égypte par ces paroles (23-5) : « À cette

  1. Dans ce verset obscur, je traduis avec lui certain nombre d’hébraïsans : « Assur leur a appris (aux Chaldéens) la navigation, à l’aide de laquelle ils assiègent Tyr.