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grand agent de la première fortune de Richelieu ; comme tous les Bouthillier, excellent au second rang. On le trouve partout. C’est un intermédiaire, un officieux. Il fit de Richelieu un cardinal, et c’est sous ses auspices que le jansénisme se fonda : en 1620, il présenta l’abbé de Saint-Cyran, son ami (il était l’ami de tout le monde), à son autre ami, Arnaud d’Andilly : « voilà M. d’Andilly, dit-il, voilà M. de Saint-Cyran. » Et il les laissa aux prises.

L’abbé de la Cochère mettait, dans les relations des évêques de Poitiers et de Luçon, et du grand-vicaire de Poitiers, le liant qui eut fait défaut dans ce trio de personnalités vigoureuses. Il allait de l’un à l’autre, ne perdant pas de vue ce qui pouvait servir aux intérêts de son maître. On a déjà cité ce texte de Lancelot : « La liaison du cardinal de Richelieu et de M. de Saint-Cyran avait commencé dès qu’il était évêque de Luçon et que M. de Saint-Cyran demeurait chez M. de Poitiers ; car M. de Luçon venait souvent s’y divertir. »

La nature de ce « divertissement » nous est attestée par plusieurs contemporains ; il s’agissait de sérieuses et profondes études de théologie et de controverse. Un autre prélat, ami de l’évêque de Luçon, Gabriel de l’Aubespine, évêque d’Orléans, était renseigné sur les travaux de ce cénacle, et sa bonne humeur enjouée en enviait parfois l’austère fécondité : « J’irai à la carême-prenant à Orléans, écrit-il à son ami, pour y étudier un peu, pour vous imiter et comparer mes études et mes passe-temps à vos entretiens… » Dans une autre lettre : « J’ai reçu toutes vos lettres et me plains que, vous étant mis à la controverse, vous ne m’en mandiez rien ; et ayant emmené deux Anglais pour vous y servir, vous ne m’en ayez ni parlé, ni écrit… J’ai toujours fait grand état de votre courage es choses spirituelles et ecclésiastiques, ajoute-t-il, et maintenant que vous étudiez si âprement, vous en augmentez l’opinion, estimant que vous ne prenez pas tant de peine sans quelques grands desseins. »

Ces desseins sont arrivés, en partie, du moins, à leur réalisation ; ce sont ces ouvrages de polémique contre les protestans, qui furent publiés plus tard et qui seront, par la suite, l’objet de notre attention. Ils avaient été préparés durant les longues veilles d’une jeunesse laborieuse, dans le silence de la province, dans la fréquentation des hommes illustres que le hasard avait réunis à Poitiers, non loin de ce prieuré de Coussay dont Richelieu faisait alors son séjour favori.


Si Richelieu quittait Coussay pour se rendre à son autre prieuré des Roches, il se rapprochait d’un autre centre d’études et