premier sentiment de sa force, une première expérience des affaires.
Mais le roi meurt. L’inquiétude renaît. La France est agitée de nouveau. On reparle des anciennes discordes, des anciennes rébellions, si détestables. Pourtant, le lien de l’autorité royale, quoique relâché, ne se rompt pas. On peut espérer qu’il sera assez fort pour contenir les nouveaux périls menaçans.
Mais il faut que tous les bons citoyens concourent à cette œuvre ; qu’ils se groupent autour du pouvoir central pour maintenir, à tout prix, la paix civile. La province, avec son calme, son sang-froid, son discernement, s’emploie à cette œuvre. Le pouvoir royal s’appuie sur elle, pour résister aux attaques de ses vieux adversaires : la haute féodalité seigneuriale et le parti huguenot.
Les états vont se réunir à Paris. L’influence de la reine s’est fait sentir dans les élections et ce sont les élections qui envoient à Paris tant de fidèles serviteurs de la cause royale.
Richelieu est de ceux-ci. Il a la conception très claire de l’œuvre qu’on allait entreprendre en commun. Ses ancêtres ont déposé en lui une tradition de loyalisme qu’ont encore développée les impressions de son enfance, son éducation classique, un voyage à Rome qui, en ouvrant son esprit, lui a donné le sentiment des intérêts supérieurs de la patrie commune.
Cet ensemble de traditions, d’impressions, de préjugés mêmes, race, famille, caste, profession, se fondent dans une personnalité qui s’achève par une longue réflexion et un grand empire sur elle-même.
Intelligence et volonté, telle est, en deux mots, cette personnalité. Elle met un parfait équilibre des facultés au service d’une passion violente, l’ambition. Cet homme veut ; il sait ce qu’il veut. Il sait agir ; il sait attendre. Ce Français, Français de père, de mère, de naissance, d’éducation, a le sentiment très net de ce qu’est la France ; il l’a vue au dedans et du dehors ; il en a fait le tour. Mais il sait aussi ce que la France doit à un homme comme lui. Il attend beaucoup d’elle, pour lui rendre beaucoup.
Ses ambitions sont exigeantes, très personnelles. Il a dans les veines le sang « convoiteux » des vieux chasseurs de La Brenne. Il est, comme eux, âpre à la curée. Mais ces instincts violens n’apparaissent qu’à peine. Il les surveille et ne laisse rien percer. Il s’essaie à la dissimulation et déjà il y réussit. N’ayant pas encore reçu beaucoup, il n’a pas eu le temps de se montrer ingrat.
Un tempérament susceptible, orgueilleux, fourbe, que peu à peu