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assemblées se décidèrent à y revenir. Puissent-elles n’avoir jamais à s’en repentir !

De toute façon se pose ce difficile problème : comment organiser le gouvernement municipal dans les grandes villes et surtout dans la capitale ? Il faut tout d’abord que ces autorités locales soient capables de gérer convenablement les intérêts si divers et si considérables dont l’administration leur est confiée. Puis, à moins de mettre en tutelle la cité qui est le centre des lumières et de l’activité nationales, on ne pourra refuser à ses habitans le droit d’élire le conseil communal. et cependant, si on leur accorde une autonomie complète, que de périls, quel redoutable inconnu ! Par les raisons que nous avons indiquées, les idées avancées, radicales, ou même subversives, domineront dans la capitale. Le gouvernement national et le parlement, qui représentent le pays entier, où règnent d’autres opinions, seront placés en face et pour ainsi dire à la merci d’un gouvernement municipal qui leur est hostile, qui dispose de forces considérables et qui, au besoin, peut déchaîner les passions révolutionnaires et faire appel à l’insurrection. Les souvenirs inoubliables de la Commune de Paris de 1793 et de 1871 montrent clairement en quoi consiste le danger.

L’augmentation si rapide de la population dans les villes a eu aux États-Unis deux conséquences fâcheuses et d’autant plus pénibles qu’on y était moins préparé : l’accroissement et de la criminalité et des dépenses publiques. Quelques chiffres suffiront pour faire voir la gravité du mal. Les statistiques publiées par le surintendant des pénitenciers à New -York nous apprennent qu’on comptait on 1850, 1 détenu sur 3,445 habitans ; en 1860, 1 sur 1,640 ; en 1870, 1 sur 1,172 et en 1880, 1 sur 855. En trente ans la criminalité avait donc quadruplé. J’emprunte à M. Bryce quelques faits relatifs à l’augmentation des impôts dans les villes. En comparant poulies quinze plus grandes de celles-ci la situation de 1860 à celle de 1875, on arrive au résultat suivant : accroissement de la population, 70.5 pour 100 ; de la valeur taxable des biens, 156.9 ; de la dette, 270.9 : des impôts, 363.2. Les dépenses locales sont énormes : ainsi elles s’élevaient à Boston, en 1880, à environ 140 fr. par tête, soit à près de 600 francs par famille. Les dettes de certaines villes ont triplé en dix ans, et malheureusement elles ont souvent, en grande partie, pour origine, des malversations ou des vices d’administration.

Pour mettre un terme à des abus, si énormes et si scandaleux que le bruit en est venu jusqu’en Europe, les Américains ont eu recours à une réforme qui au premier abord étonne : ils ont limité dans des bornes très étroites la compétence des conseils