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abandonné par le gouvernement. Les intrigues de nos ennemis le serraient de toutes parts ; il était dénué absolument de moyens pécuniaires. » Pendant les mois de mars, avril, mai, l’agent, des patriotes polonais à Paris, Barss, multiplia ses démarches, et remit notes sur notes, soutenu, de loin, par les rapports de Parandier, et de près par Reinhard qui, rentré dans les bureaux, y suivait la correspondance de Pologne. Les Polonais avaient d’abord demandé 12 millions. Le 28 avril, Reinhard écrivit au comité qu’une somme de 500,000 livres leur serait infiniment secourable. Le comité en délibéra et voici sa réponse : « Point de fonds à envoyer. Des républicains armés disposent de toutes les richesses du pays. On peut entendre l’agent polonais, mais on n’a rien à traiter avec lui… on peut écouter sans rien promettre… »

Dans ces conditions, un ministre des affaires étrangères devenait superflu. Le 1er avril, le comité fit décréter qu’il n’y en aurait plus ; le 2, il fit arrêter Deforgues, suspect de dantonisme ; le 9, il institua un commissaire des relations extérieures, simple expéditionnaire Robespierre présenta, pour cet emploi, un petit avocat de Lons-le-Saunier, Buchot. ignorant, stupide et de manières ignobles. La diplomatie était nulle, cet homme de rien se trouvait à sa place. Cependant la révolution polonaise allait éclater. Tous les nœuds de la guerre et de la politique se formaient en Pologne. Reinhard revint à la charge. Il fit décider, à la fin de mai, que trois agens secrets seraient envoyés en Pologne pour s’assurer des sentimens de Kosciuszko. Avant de soutenir cet allié, le plus utile de tous et le plus désintéressé, le comité voulait savoir s’il était pur et s’il pensait correctement sur le contrat social. Reinhard insinua que, quelles que fussent leurs opinions, les Polonais « se battaient de bonne foi contre leurs ennemis qui étaient aussi les nôtres. » Il proposa de leur envoyer 300,000 livres, et de leur servir un subside de 140,000 livres pendant quatre mois : « On nous fait déjà, disait-il, l’honneur de nous accuser avoir prodigué des millions pour faire naître cette révolution. En sacrifiant un seul million, peut-être, nous la sauverions. » Les émissaires ne partirent point, et l’allaire resta en suspens jusqu’au 13 juillet. Ce jour-là, Barss eut enfin une audience du comité, mais il n’en rapporta pas même des encouragemens. « La France, lui répondit-on, ne fera pas sortir la moindre parcelle d’or, elle ne risquera pas la vie d’un seul homme pour consolider la révolution de Pologne, si elle tend à un gouvernement aristocratique ou royal, ou à un changement de la dynastie régnante, ou à celui d’une mauvaise forme de gouvernement en une autre forme plus mauvaise encore. » Quant à la grande expédition des agens secrets, il n’on