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églises de la ville et du contado, était considéré comme nul et le culte rouvert en dépit du saint-siège.

Grégoire XI se souvint alors de Catherine de Sienne. Celle-ci écrivit sans retard une lettre au peuple de Florence, prenant pour texte les paroles du Sauveur : « J’ai désiré d’un grand désir faire la Pâque avec vous avant de mourir. » Puis elle se mit en route. Niccolo Soderini et les citoyens dévoués à l’Église la reçurent avec respect. Le spectacle singulier que présentait en ce moment la chrétienté florentine lui remua le cœur. Les fidèles, ne pouvant plus prier dans les églises, formaient des confréries laïques, qui, unies aux compagnies de flagellans, se répandaient par les rues en chantant des laudes en langue vulgaire. Cette façon de satisfaire sans clergé ni liturgie aux besoins de la conscience fait déjà pressentir la loi libre des réformés. Mais ces symptômes d’anarchie religieuse inquiétèrent d’autant plus la sainte que, les fraticelles étalaient avec moins de contrainte leur christianisme très personnel, et que les hérétiques, ou plutôt les incrédules, favorisés par la seigneurie gibeline, se croyaient revenus déjà au bon temps des Farinata et des Cavalcanti. Catherine jugea nécessaire la paix la plus prompte entre le saint-siège et Florence, la paix à la fois religieuse et politique. Il appartenait au saint-siège de pacifier les âmes en levant l’interdit, et les deux dernières lettres de la jeune femme à Grégoire sont un appel à la miséricorde. Mais, pour la réconciliation politique, c’était à Florence de faire le premier pas. Le monde des petits dévots, la vieille bourgeoisie des arts que rassurait la présence de la nonne, aidèrent, par un mouvement plus apparent que réel d’opinion, les capitaines de la parte guelfe à se rendre prépondérans aux affaires publiques. Ils furent, pendant quelques semaines, les maîtres au gouvernement, mais, selon la bonne tradition révolutionnaire, loin de chercher la paix, ils frappèrent durement leurs adversaires gibelins, les créatures des huit ; par la mesure de l’ammonizione, ils chassèrent une centaine de citoyens de leurs magistratures. Excitée par des huit, encouragée par le gonfalonier de justice Silvestre de Médicis, qui fondait alors, sur le parti démagogique, la fortune naissante de sa maison, la populace fit, par une émeute brutale, l’essai de la révolution très prochaine des Ciompi. On massacra tous les Guelfes que l’on put, on pilla leurs maisons, et, une fois vides, on les brûla. Le bruit courut que Catherine avait été la cause des violences des capitaines : la foule marcha sur la maison où elle demeurait. Ses amis l’entraînèrent dans un jardin du voisinage ; mais l’émeute alla au jardin avec des cris de mort ; elle s’était agenouillée et priait : « C’est moi, dit-elle au premier qui s’approcha d’elle, prends-moi et tue-moi ! mais je t’ordonne, au nom de Dieu, d’épargner ici tous les