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conformément à leurs vœux, venait d’augmenter le nombre des membres de la quatrième classe, leur avait inspiré des sentimens de reconnaissance dont ils avaient chargé David de transmettre l’expression au souverain ; mais tout s’était borné de leur part à ces témoignages par procuration de gratitude et à une correspondance officielle avec le ministre compétent pour des affaires intéressant la Compagnie.

La classe des beaux-arts tout entière s’était donc, aussi bien pendant les cent jours que durant les onze mois qui avaient précédé, soigneusement tenue à l’écart des agitations politiques et des querelles de parti. Elle n’avait voulu se rendre complice ni de ceux qui s’étaient hâtés de condamner sans merci le pouvoir tombé la veille, ni des courtisans du pouvoir nouveau, pressés de lui offrir dès la première heure leur dévoûment de circonstance et leurs services intéressés ; mais quand le moment fut venu pour la France des luttes et des désastres suprêmes, quand, après Waterloo, nos revers eurent amené une seconde fois les armées étrangères sur le sol de la patrie outragée, les artistes qui appartenaient à l’Institut ressentirent trop unanimement, ils partagèrent avec une trop profonde émotion les amertumes de la douleur publique, pour continuer de se livrer, comme si rien n’était survenu dans l’intervalle, à leurs occupations accoutumées. Ils ne suspendirent pas leurs séances, parce que l’époque de l’année où l’on se trouvait était celle des concours ouverts pour les grands prix de Rome et que les jugemens ne pouvaient être ajournés ; mais, en dehors de la tâche absolument obligatoire qu’ils avaient à remplir de ce côté, ils s’imposèrent le devoir de ne rien entreprendre ni de rien poursuivre des travaux qui les auraient, au moins en apparence, distraits de leur affliction patriotique. Pendant plusieurs semaines, ils refusèrent d’entendre aucune lecture, de recevoir aucune communication, de laisser aucune discussion s’engager sur des sujets étrangers aux concours dont ils avaient alors à juger les résultats. Plus d’un mois s’était écoulé déjà depuis que les événemens avaient replacé Louis XVIII sur le trône, lorsque la quatrième classe de l’Institut, d’ailleurs décimée, comme on le verra plus loin, dès les premiers jours du gouvernement royal, se décida à reprendre, pour l’exercer désormais dans sa plénitude et avec la même activité qu’autrefois, la fonction dont les malheurs du temps l’avaient momentanément forcée de ne s’acquitter qu’en partie.


HENRI DELABORDE.