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productions anciennes, celles par lesquelles elles les remplacent : les conquêtes agricoles et industrielles légitimant la prise de possession du sol par une race supérieure. La démonstration est complète et le fait est acquis. Si l’humanité, en tant qu’être moral, peut regretter la suppression violente et brutale d’une race indigène intéressante, heureuse et douce, l’humanité, en tant qu’être matériel et collectif, bénéficie de ces conquêtes qui, chaque jour, grossissent la masse des produits utiles dont elle dispose et dont elle vit.

Fleuron détaché, en 1822, de la couronne de la maison de Bragance, dernier représentant, dans l’Amérique méridionale, du principe monarchique, l’immense empire du Brésil, dont la superficie égale presque celle de l’Europe, dresse, au pied de la tour Eiffel, ses trois étages de galeries autour d’un vaste atrium et sa tour carrée de quarante mètres de hauteur. Des faïences décoratives encadrent les vastes baies ; sur les cartouches des pylônes figurent les armes des vingt provinces et, sur la façade centrale, la sphère du drapeau impérial.

Le Brésil n’a rien négligé pour rehausser l’éclat de son exposition. Justement fier de ses richesses naturelles, du rang qu’il occupe dans le monde, de l’estime universelle on laquelle est tenu le souverain, aussi libéral qu’éclairé, philanthrope doublé d’un savant, qui préside à ses destinées, il a voulu prendre à l’Exposition une part importante et n’a pas hésité à voter les fonds nécessaires pour assurer à ses 1,600 exposans l’espace qu’ils réclamaient.

Peu de contrées sont aussi favorisées de la nature que cet empire qui ne compte encore que 12 ou 15 millions d’habitans et pourrait en nourrir vingt fois plus. Les vents alizés qui règnent sur la région septentrionale y tempèrent les ardeurs du soleil et y entretiennent une humidité favorable à la végétation. Dans l’intérieur, les montagneux massifs de la Sierra de Parima, de Borborema, de Santa Maria, des Montes Pirineos, rameaux détachés de la grande Cordillère des Andes, offrent de hauts plateaux découpés par des vallées profondes, sillonnés par d’innombrables torrens. L’Amazone, reine des fleuves, déroule sur 4,000 kilomètres de longueur ses eaux navigables ; 200 affluens l’alimentent, et ce réseau de rivières offre, en tout temps, à la navigation un parcours de plus de 50,000 kilomètres. Par ces voies largement ouvertes sur la mer, la civilisation et le commerce ont pu refluer jusqu’au cœur de l’empire, en révéler et en exploiter une partie des ressources naturelles. Soumise, elle aussi, à un régime de crues régulières, l’Amazone, ce Nil américain, monde périodiquement ses rives, déposant, sur les vastes plaines qu’elle traverse, son fertilisant limon, déversant dans l’Atlantique ses vagues énormes, impétueuses et