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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 95.djvu/90

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l’humanité et que son intervention, qui, après tout, aboutit à une union légale, mérite d’être encouragée.

Ce qui est pour étonner davantage, c’est qu’un homme puisse ouvertement braver la loi de l’État dans lequel il réside et que, pour le faire impunément, il ne lui en coûte que trois cents (15 c). Le cas s’est présenté, non pas une fois, mais cent fois. Mrs J.-L. Smith avait de sérieuses raisons de soupçonner la fidélité de son mari. L’ayant surpris en flagrant délit, elle réclama son divorce devant la cour de New-York, l’obtint avec interdiction pour lui de convoler en secondes noces. Il n’en coûta à M. Smith que la modique somme susdite pour traverser la rivière, se rendre dans l’état limitrophe de New-Jersey et y contracter légalement un autre mariage. Cela fait, il revint à New-York s’occuper de ses affaires. En deçà de l’Hudson il est divorcé, au-delà il est marié. A New-York, sa seconde femme ne serait que sa maîtresse, elle est son épouse légitime sur l’autre rive ; bigame ici, là il est en règle avec la loi.

Le cas d’Isabella Davis est plus compliqué. Mariée à quinze ans à Amos Johnson, elle a épousé successivement 15. Mac-Lane, Abram Elmore, Paul Hatton, William Ferguson et Samuel Nickson, tous vivans, domiciliés dans des états différens et sans qu’aucun décret de divorce soit intervenu entre elle et l’un de ses nombreux maris. Pour le moment, et en attendant mieux, elle se prétend l’épouse légitime de Samuel Nickson, avec lequel elle réside dans la Caroline du Nord. Les cinq autres époux réclament leur femme ou leur liberté, et la cause est pendante devant cinq cours distinctes.

Si l’on aborde l’étude des lois relatives au divorce dans les trente-huit états de l’Union, on se trouve en présence d’un inextricable fouillis de clauses et de prescriptions d’où se dégagent, non sans peine, seize causes principales et généralement admises ; quelques-uns, comme New-York, n’en reconnaissent qu’une, d’autres jusqu’à dix, mais l’on n’en rencontre pas deux ayant édicté les mêmes. Ces seize causes sont : 1° l’adultère ; 2° la bigamie ; 3° la désertion volontaire, dont la durée varie suivant les localités ; 4° l’absence continue pendant cinq ans ; 5° la cohabitation du mari avec une femme de couleur ; 6° la folie ou l’imbécillité ; 7° les sévices et violences ; 8° l’état de vagabondage : 9° les injures graves ; 10° l’emprisonnement pour crime ; 11° l’ivrognerie habituelle ou l’abus de l’opium ; 12° l’impuissance ; 13° le refus de la femme de suivre son mari ; 14° le refus du mari de pourvoir à la subsistance de sa femme ; 15° l’inconduite ; 16° l’affiliation à une secte religieuse prescrivant la continence. À ces causes multiples plusieurs états ont ajouté une clause plus large, plus élastique, ouvrant à deux battans la porte déjà largement entrouverte, en laissant aux cours le droit de prononcer le divorce à leur propre discrétion.