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Nouvelle-Calédonie ; les États-Unis, lentement, envahissent l’archipel des Sandwich, cette clef de l’Océanie septentrionale. Par le traité de réciprocité, ils l’enrichissent, et commercialement y règnent. Le roi du sucre, Sprekels, le grand millionnaire californien, y est l’arbitre financier. L’afflux croissant des visiteurs de San-Francisco tend à faire de Honolulu, capitale de l’archipel, la Nice océanienne des états du Pacifique. Tard venus, mais impatiens de regagner le temps perdu, âpres au butin et persévérans dans leurs efforts, les Allemands s’étendent, drainant à leur profit un trafic croissant, inquiétans pour les Anglais qu’ils dépossèdent de leurs principaux marchés, inquiétans aussi pour les Américains, inondant l’Océanie de produits à vil prix, accaparant à Tahiti, comme aux Sandwich, aux Carolines comme à Samoa, le commerce de détail et de demi-gros, maîtres, sinon en droit, du moins de fait, des Marshall et des Tonga, d’Apia, où les Goddefroy, rois des mers du Sud, ont leur principal entrepôt. A la Nouvelle-Guinée, leur drapeau flotte près de celui de l’Angleterre ; il couvre aussi l’archipel Bismarck et les iles Salomon.

Incomplète, comme elle l’est forcément encore, l’exposition des terres de l’Océan-Pacifique n’est pas une des moindres curiosités qui sollicitent le visiteur. Il y a là plus que des promesses : de substantielles réalités, et dans ce défilé de pays lointains, l’Australie n’occupe pas seulement le premier rang ; elle dépasse en importance bien des États civilisés, en superficie les plus grands, en richesses elle égale les plus riches et les plus prospères. Son mouvement commercial annuel la classe déjà au sixième rang, entre l’Autriche-Hongrie et la Belgique. Elle figure au premier rang dans la statistique des télégrammes, au second dans celle des communications postales échangées, au huitième pour le développement des voies ferrées. Melbourne est plus peuplée que Marseille, que Madrid et qu’Amsterdam ; Sydney que Rome, Lisbonne et Edimbourg, et cependant la population actuelle de cet énorme continent est encore inférieure à celle de la Suisse, à peine supérieure à celle du Chili.

Quand, dans les travées qui relient l’Esplanade des Invalides au Champ de Mars, on franchit le seuil de l’exposition australienne, la première impression est une impression de grandeur et d’étendue. Sur les hautes toiles murales revivent dans leur solitaire magnificence les forêts de l’Australie, les troncs lisses et superbes, portant fièrement leurs hautes ramures, forêts grandioses sillonnées de rivières ensoleillées ; l’illusion redouble au murmure de l’eau qui court entre les rocailles semées de fougères arborescentes dont les feuilles vous frôlent au passage. On s’arrête ; on contemple ces sites merveilleux, explorés par l’homme, reproduits