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entravés souvent par une bureaucratie méticuleuse et compliquée, en revanche, la civilisation, dans sa marche, n’opprime ni n’écrase aucun de ceux dont les lois supérieures de l’humanité lui font un devoir de protéger la faiblesse, d’élever le niveau intellectuel et moral.

Dans l’Amérique du Nord, comme en Australie, où domine la race anglo-saxonne, dans l’Amérique centrale et dans l’Amérique méridionale où domine l’élément espagnol, la race indigène, quantité négligeable et négligée, ne compte plus guère que de rares survivans, parqués dans les réserves, ou ne représente qu’une population servile, embarras et remords de ceux qui, occupant sa place, attendent du temps l’achèvement de leur œuvre et la disparition, trop lente à leur gré, de ces tribus éparses. Ici, rien de pareil. Si le génie profondément humain de la France ne peut aller à l’encontre de l’inexorable loi qui, partout où se produit le heurt de deux races, condamne l’inférieure à céder la place à celle qui lui est supérieure, il s’efforce du moins de l’élever à lui, de retarder, et, qui sait, peut-être d’éviter l’heure fatale. Si cette traditionnelle politique enraie, dans une certaine mesure, le développement matériel de ses colonies océaniennes, elle lui gagne les sympathies des indigènes, elle élargit le cercle de son influence morale. Réduits bientôt à l’alternative de choisir un maître ou de le subir, d’instinct ils se tournent vers elle, ne doutant pas de trouver, sous son protectorat, des garanties qu’aucune autre puissance ne saurait leur offrir.

Partout où la France a passé, nous retrouvons les traces indélébiles d’une sympathie profonde. Au Canada, perdu depuis un siècle ; dans la Louisiane, cédée aux États-Unis ; dans l’Inde ; en Afrique comme en Océanie, elle apparaît aux races indigènes respectueuse de leurs droits, humaine et patiente, incarnant en elle les idées de justice et de tolérance, de pitié pour les faibles et les vaincus. D’eux-mêmes ils viennent à elle, se groupent autour d’elle, assurés qu’elle plaidera leur cause et que partout où s’élèvera sa voix, dans les congrès diplomatiques, à la tribune ou dans la presse, ils auront un avocat convaincu et chaleureux, et le cas échéant, un protecteur.

Unique représentant, aussi bien dans l’Océanie qu’à l’Exposition universelle, de la race autochtone qui peuple les archipels océaniens, le royaume havaïen, répondant à l’appel de la France, est venu, lui aussi, exposer dans son pavillon, près du palais des Indes, les produits de son industrie croissante et les vestiges de son passé d’hier. N’est-ce pas la France qui, il y a un demi-siècle, consacrait, avec l’Angleterre, l’indépendance de ce petit État, protégeait la plante naissante, lui permettait de grandir et de fructifier ? Si,