du prince de Condé mis en parallèle avec Scipion l’Africain, dont l’abbé Choquard est si content qu’il en fait faire un compte-rendu dans les journaux, sans doute, pour recommander sa maison au public. Le rédacteur du recueil de Bachaumont dit à ce propos : « On voit que ce jeune aiglon vole déjà sur les traces de son illustre père. » Et il ajoute avec raison : « Le fils a plus de netteté, plus d’élégance dans son style. » Les idées tumultueuses du porc s’éclairciront, en effet, dans le cerveau mieux équilibré du fils.
En attendant, le futur orateur fait son apprentissage à Saintes dans le régiment de Berri-cavalerie, que le marquis a choisi parce qu’il est commandé par un colonel très sévère. Cet apprentissage réserve au père plus d’une pénible surprise, Mirabeau passe en prison une partie de la première année et au commencement de la seconde se sauve à Paris après avoir fait au jeu une dette de 80 louis. On le rattrape et on l’enferme à l’île de Ré. À ce moment, le bailli, qui craint de nouveaux éclats, enverrait volontiers son neveu aux colonies hollandaises, d’où on ne revient pas. « Ces choses-là, répond le marquis, sont plus faciles à projeter qu’à parfaire, surtout dans le temps qui court et avec un drôle qui a toute l’intrigue du diable et de l’esprit comme un démon. Le marquis de Lambert me disait. L’autre jour qu’il avait partagé la ville et la province et que, malgré son caractère odieux, il aurait trouvé dans la ville de Saintes 20,000 livres qui n’y sont pas. »
Le bailli subira à son tour l’ascendant de ce neveu maudit lorsque Mirabeau reviendra de. L’expédition de Corse, où il servit comme sous-lieutenant dans la légion de Lorraine. Il semble qu’il y ait eu là une heureuse secousse dans cette vie jusqu’alors si dissipée. L’action a été un instant pour cette nature fougueuse le meilleur des dérivatifs. A quelque tâche que Mirabeau s’applique, il y paraît tout de suite supérieur. C’est là le secret de l’empire qu’il exerce. En Corse, il se croit fait pour la guerre, il le dit hautement, il le prouve dans une certaine mesure et il le persuade autour de lui. Le major de la légion de Lorraine, le chevalier de Villereau, déclarait « n’avoir pas connu d’homme né avec de plus grands talens que le comte de Mirabeau pour le métier des armes. »
Ce sera aussi l’avis du bailli, qui, lassé de ses longues croisières, a fini par s’établir en Provence, oui il défend les intérêts de son frère et où il reçoit son neveu. Celui-ci, comme dit son père, « joue aussitôt ses grandes marionnettes » pour s’emparer de l’esprit du bailli dont il connaît la bonté et l’influence. Il compte sur lui pour rentrer en grâce auprès du marquis toujours résistant. Dès le soir de son arrivée, il pousse sa pointe et enlève la position d’assaut. Il laisse l’honnête marin tout étourdi de sa verve méridionale, de sa faconde,