trompe-l’œil est le dernier mot de l’art. Le musée Grévin, à ce compte, serait la plus grande œuvre du siècle. M. Munkacsy, heureusement, possède d’autres qualités que cette habileté de rendu assez commune aujourd’hui chez les brosseurs de panoramas. Il a essayé de renouveler les deux grandes scènes évangéliques par l’introduction raisonnée d’un élément réel et vivant, populaire et moderne, tout en conservant à ces divines tragédies plus de solennité et de dignité que n’avaient fait, au XVIIe siècle, les réalistes italiens et espagnols appliquant des procédés similaires dans les mêmes circonstances. Pas plus qu’eux, il n’a pu ni voulu éviter sans doute, en groupant autour du Christ des plébéiens incontestables et des pharisiens authentiques, un aspect général de vulgarité passionnée qui surprend plus qu’il n’émeut ; c’est avec une intention évidente, le plus souvent très bien rendue, qu’il a imprimé à ces figures juives des expressions décidées de fureur fanatique, de sottise raisonnante, de jalousie hypocrite, d’égoïsme vindicatif, de basse cupidité, et la légende évangélique l’autorisait à le faire. La plupart de ces personnages sont présentés, surtout pour les physionomies, avec une énergie de vérité brutale, mais expressive, qui n’est pas le fait d’un artiste ordinaire ; combien cette trivialité des comparses eût pris plus de valeur dramatique si, comme chez Rembrandt, la beauté ou la noblesse rayonnante de la figure principale, du dieu méconnu et conspué par cette tourbe de sots et d’envieux, en avait à la fois accentué et poétisé le contraste ! M. Munkacsy s’y est bien efforcé ; y a-t-il réussi ? Dans la scène du Calvaire, on peut dire que non, car le Christ ne s’y distingue guère de ses deux voisins de supplice ni par l’intelligence ni par la noblesse de la physionomie. Le Christ traduit devant le prétoire est moins laid ; il se présente avec une certaine fierté, assez digne, mais provocante et dédaigneuse, qui n’a rien de la douceur, de la tendresse, de la résignation évangéliques. C’est encore un prophète, raisonneur et discuteur, prêt à répondre à ses adversaires, non pas le Messie définitif et convaincu, le berger prêt à mourir pour ses brebis, le fils divin soumis aux ordres de son père. Il y a, en somme, plus de force que de tendresse, plus de fermeté que de souplesse, plus de volonté que de chaleur, plus de métier que d’inspiration dans le remarquable talent de M. Munkacsy, et, quelle que soit la valeur des morceaux de peinture, hardis et résolus, juxtaposés dans ses grandes compositions, il est difficile d’y voir des transformations vraiment inattendues, personnelles et suggestives de la légende évangélique.
Les tableaux de M. Munkacsy dépassent de beaucoup, pour l’invention et pour l’exécution, toutes les autres productions du