des dons appropriés au moment, un chef semblable peut être l’espoir de tous les bons citoyens.
Un mot, enfin, du dernier élément qui semble irréductible dans notre état social, la formule républicaine. Cela nous paraît étrange, à nous autres gens d’étude qui attachons si peu d’importance aux formules, sachant qu’elles recouvrent la mue perpétuelle des choses. Mais c’est ainsi. Le grief le plus sérieux contre cette étiquette, pour les esprits non prévenus, c’est la défiance qu’elle inspirerait à l’étranger, en ces années graves où nous devons compter avec tous. Je puis me tromper, et très fort ; mais voulant dire ici toute la vérité, je résume l’impression qui m’est restée d’un long séjour à l’étranger ; une république bien conduite trouvera autant d’alliés qu’il lui plaira ; les principes de 1789 n’en trouveront jamais, du moins parmi les puissans. Je n’oublie pas les instructions prophétiques données au comte d’Arnim ; mais elles souhaitaient une république désorganisée par les principes de 1789. Ma distinction revient à ce dilemne ; si nous voulons garder notre dogme de peuple messie, avec son prosélytisme et sa menace morale, il n’y a rien à faire ; si nous voulons être une république comme les autres, comme la grande sœur d’Amérique, nous aurons audience partout. Je ne méconnais point ce qu’avait de flatteur, pour notre orgueil, cette situation unique de prêtres du dogme ; tant que nous pouvions l’imposer, c’était parfait. Ces jours ne sont plus. Il faut traiter d’égal à égal. Si nous consentons à rentrer dans le dogme humain, universel, on traitera. — Reste la répulsion que la formule républicaine rencontre au dedans. Chez beaucoup, cette répulsion est profonde, enracinée. Que faire ? Il y a quinze ans, on disait : « La France appartiendra au plus sage. » Je crois bien que l’auteur du mot ajoutait tout bas : « le plus sage, ce sera moi. » Je crois même qu’il continuait, plus bas encore : « le plus sage, et le plus malin… » C’est souvent vrai. Néanmoins, je préfère cette tournure : La France se donnera à qui l’aimera le mieux. A qui l’aimera comme il faut aimer, en sacrifiant beaucoup de soi. Ce peuple tient à un mot : c’est peut-être naïf, mais il y a aussi quelque chose de touchant et de fort dans cet attachement à un idéal. Accordez-lui la formule, et il vous aidera sans peine à y mettre ce que chacun de vous rêve de meilleur. Je vois bien venir la grande objection : « mais la république ne s’ouvrira jamais. » Qu’entend-on par- là ? La défense acharnée d’un parti vainqueur ? Je ne suis pas grand clerc en politique parlementaire ; pourtant je gagerais tout : le premier que ce parti ne cédera jamais. Cela, c’est dans la nature-des choses, et des hommes, qui est de ne point partager ce que l’on détient. Mais l’erreur est de ne pas aller au réservoir des eaux profondes, et de considérer uniquement les bulles