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le riche paiera pour le pauvre. Cette conclusion n’est pas pour effrayer M. Chamberlain, et c’est sans doute une des raisons qui le rendent partisan de l’impôt progressif sur le revenu.

La question de la laïcité est encore plus délicate. Veuillez remarquer que le problème scolaire est susceptible de solutions très diverses, suivant les différens pays où il se pose. Autant je m’empresse de blâmer les malfaisans et imprudens promoteurs de la sécularisation des écoles françaises, autant j’hésite à condamner M. Chamberlain qui, en Angleterre, s’est voué à la même tâche. Dans un cas, laïcité veut dire la guerre, sourde et mesquine, faite aux croyances de ses adversaires par l’athéisme d’état ; dans l’autre, il ne signifie qu’une neutralité officielle qui assure le respect des minorités religieuses, en ouvrant l’école aux croyans de toutes les nuances comme un terrain commun et un lieu de trêve. Là où il ne trouve point un maître de sa religion, laquelle vaudra mieux pour l’enfant d’un catholique romain, l’école du gouvernement où il ne lui sera point parlé de Dieu ou bien l’école du ministre anglican où il lui en sera parlé contrairement à sa foi ? Le bon sens du lecteur répond. Cependant, pour éviter toute méprise sur l’état de l’opinion, je dois ajouter que le clergé des différens cultes n’envisage pas ainsi la loi de l’instruction primaire. En temps d’élections, les évêques catholiques stigmatisent, dans leurs mandemens, M. Chamberlain et ses amis, et, au cours d’une récente encyclique, Léon XIII a confondu dans une même réprobation l’œuvre qui se poursuit en France et celle qui s’achève en Angleterre.

Quoi qu’il en soit, ce fut cette question de l’instruction populaire qui fournit à M. Chamberlain sa première campagne et le fit sortir de l’obscurité. Membre, puis président du comité exécutif de l’éducation, à Birmingham, il était indiqué pour devenir, dès l’origine, membre du School-board, et il finit par y avoir la haute main. En 1869, il était conseiller municipal. Enfin, en 1873, il était nommé maire de Birmingham et, réélu les années suivantes, il signalait son règne de trois ans par une véritable transformation de sa patrie adoptive. Je ne dirai pas qu’il a trouvé un Birmingham de briques et qu’il a laissé un Birmingham de marbre. L’idée d’un Birmingham de marbre ferait sourire ceux qui ont habité ou traversé cette ville de boue, de brume, de bruit et de fumée. Mais de l’immense village, bâti sans plan et sans ordre, mal venu comme les enfans qui ont grandi trop vite, dont le centre n’était qu’un labyrinthe de ruelles infâmes, M. Chamberlain a fait une grande ville moderne, avec de larges artères, des monumens publics spacieux, sinon magnifiques. Il a repris des monopoles dont la ville s’était dessaisie, a fait sentir partout l’autorité municipale, énervée et comme