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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 96.djvu/556

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qui va s’accentuant à mesure qu’on les regarde davantage et qu’on en considère un plus grand nombre, ce qui conduit à admettre que, par nature, les hommes sont enclins à penser tous la même chose. Cela ne serait, pas déjà fort extraordinaire, puisqu’ils sont tous soumis aux mêmes conditions générales, et qu’ils ont tous alternativement le jour et la nuit ; mais il y a une raison plus forte pour qu’il en soit ainsi. C’était une opinion généralement accréditée au moyen âge que Jérusalem était le centre du monde. Maundeville adopte cette opinion et en déduit des conséquences remarquables. « Celui qui veut publier une chose et la faire ouvertement connaître la fera crier et proclamer dans la place qui est au milieu d’une ville, afin que la chose ainsi proclamée et annoncée puisse atteindre à tous les quartiers de cette ville également ; c’est ainsi que celui qui était le créateur du monde voulut souffrir pour nous à Jérusalem, à cette fin que sa passion et sa mort qui y furent proclamées pussent être connues également de toutes les régions de l’univers. » Cette lumière centrale doit donc rayonner, et rayonne en effet, jusque dans les pays qui en sont le plus éloignés ; de là, les parts inégales de vérité et d’erreur que nous rencontrons chez les divers peuples. Chez ceux qui sont proches de ce centre de lumière, la part de vérité a été si forte qu’elle embrasse presque la révélation tout entière. Chez ceux moins favorisés qui ne sont atteints que faiblement de ces rayons, cette part a été moins grande, d’autres n’ont eu que des reflets, ou des clartés de crépuscule, ou des lueurs d’aube à peine perceptibles dans la nuit. Il s’ensuit que ce que nous nommons erreurs dans les diverses croyances ne le sont pas absolument, mais relativement ; ce sont des erreurs en quelque sorte de degré et de distance, équivalant à des vérités obscurcies et tronquées.


II

Mettons à l’essai cette opinion par l’examen des diverses doctrines religieuses, et commençons par celles des sectes chrétiennes qui ne s’accordent pas avec nous sur les choses de notre foi commune. Voici d’abord les Grecs. Ils ne reconnaissent pas le pape ni l’église romaine, et l’empereur de Constantinople est à la fois souverain temporel et spirituel de ses sujets. Ils croient que le Saint-Esprit procède du Père et non du Fils. Ils rejettent le purgatoire, et croient que les âmes n’auront ni peines ni récompenses jusqu’au jour du jugement. Ils n’administrent pas le baptême et l’extrême-onction exactement, comme nous. Ils pensent qu’on ne doit se marier qu’une fois, ne jeûnent pas de la même manière que nous et aux mêmes jours, et estiment que nous commettons