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Passons sous silence les renseignemens que divers ouvrages énumèrent avec complaisance sur le lait de chienne, voire sur celui de truie, et citons deux liquides exceptionnellement riches en crème, le second surtout : le lait de buffile, lequel a servi et sert encore fréquemment à la nourriture de l’homme, puis le lait d’éléphant, que le docteur Oremus a eu la curiosité d’analyser et de déguster.

Un mot sur le « lait végétal. » On trouve au Venezuela et dans la vallée de l’Amazone un arbre appelé Brosimum galactodendron, d’où les Indiens retirent par incision un suc crémeux susceptible d’être utilisé comme aliment. Quelques auteurs sceptiques ont émis des doutes sur la véracité de ce lait, et il faut avouer qu’une circonstance aussi singulière méritait d’être scientifiquement confirmée. Feu M. Boussingault affirmait que dans le cours de ses voyages à travers l’Amérique du Sud il avait consommé, pendant un mois, la sève de « l’arbre à la vache » mêlée avec du café ou du chocolat. Il ajoutait, du reste, que ce prétendu lait ressemblait plutôt à une crème très épaisse ; et le célèbre agronome finit par confirmer ses souvenirs de jeunesse en publiant une analyse complète d’un échantillon de lait provenant de l’arbre à la vache et qu’il se fit envoyer à Paris à l’occasion de l’Exposition de 1878. Comment M. Boussingault put-il se procurer un produit authentique et surtout inaltéré, nous l’ignorons, mais il trouva que ce suc végétal était composé à peu près comme la crème du lait de vache.


II

Il semble, d’après une célèbre prophétie de récriture sainte, que les Hébreux connussent l’usage du beurre, sans toutefois l’apprécier beaucoup[1]. Hérodote décrit la fabrication du beurre chez les Scythes, mais il en parle comme d’une opération curieuse. Les Romains ignoraient aussi l’usage de cet aliment ou du moins ne s’en servaient guère. Il en résulte que les plats les plus raffinés qu’on ait servis sur les tables de Lucullus et d’Héliogabale, présentés à un gourmet de nos jours, lui répugneraient probablement à cause de leur préparation à l’huile. Quoi qu’il en soit, il est certain que le rôle culinaire du beurre n’a cessé de gagner en importance depuis les premiers temps du moyen âge ; cette matière grasse se prépare, se consomme et malheureusement aussi se fabrique, presque sur toute l’étendue du monde civilisé.

  1. Butyrum et mel comedet, ut sciat reprobare malum et eligere bonum.