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mais l’expert, en l’absence d’autres preuves, renonce au droit de conclure positivement au mouillage. Enfin, un lait est réputé contenir de l’eau s’il ne fournit après évaporation que 118 grammes ou moins de 118 grammes de substances sèches.

En 1888, sur 4,743 échantillons déposés au laboratoire municipal de Paris ou prélevés par les inspecteurs de la ville, 645, c’est-à-dire 13 pour 100, étaient allongés d’eau plus que de raison, ou du moins écrémés. Sur les 4,098 autres, combien étaient irréprochables ? — Peut-être pas le quart, en réalité. Les mouilleurs ou écrémeurs ont bénéficié du doute.

Mais, en revanche, il ne faut pas s’imaginer qu’un fraudeur trop intelligent puisse impunément baptiser un lait pur, de qualité médiocre, de façon pourtant à ce qu’il marque encore 118 grammes d’extrait. Au laboratoire, on dose toujours le beurre et l’on exige 27 à 30 grammes de matières grasses par kilogramme de lait, ainsi que 45 grammes de sucre. La caséine, l’albumine, les cendres ne sont pas oubliées. Le falsificateur finit toujours par être démasqué d’une manière ou d’une autre.

Pour l’écrémage, une comparaison de chiffres bien simple fait ressortir la tromperie : on soupçonnera qu’un lait aura été écrémé lorsque le beurre constituera moins des 23 centièmes du poids de l’extrait sec ; si le taux observé n’atteint pas 21 pour 100, le chimiste n’a plus à hésiter. Cette règle est naturellement indépendante du mouillage.

Contrairement à ce qui se passe pour les vins, il est très rare que le marchand, en vue de faciliter la vente d’un lait par trop écrémé ou mouillé, d’aspect bleuâtre, de saveur fade et aqueuse, de consistance trop fluide, cherche à lui donner un aspect plus avantageux. Il n’est pas ordinaire, non plus, de voir un laitier chercher à relever l’extrait par l’introduction de substances étrangères[1]. On a beaucoup plaisanté sur le lait fabriqué avec la pulpe cérébrale broyée dans l’eau. Est-il besoin de due qu’une semblable fraude, que décèlerait immédiatement le plus simple examen microscopique, est si rare qu’elle ne se présente pas une fois sur deux ou trois mille ? Nous nous demandons même si ces prétendus laits n’ont pas quelquefois été préparés par des mystificateurs qui les auraient ensuite présentés aux chimistes.

Il ne nous reste plus, pour être complet, qu’à parler d’une

  1. Matières destinées à accroître la densité ou la consistance du lait : sucre, fécule, farine amidon, gommes, jaunes d’œufs, caramels, etc. Corps destinés à procurer au lait écrémé le reflet jaunâtre du lait pur : jus de réglisse, extrait de chicorée, etc. Toutes ces drogues sont trop aisées à découvrir par les procédés chimiques ; aussi bien leur emploi tend de plus en plus à disparaître.