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extrémités, puis à l’est par le Portugal, le jour approchait où l’Afrique s’ouvrirait à l’impatiente curiosité de l’Europe s’efforçant de soulever le voile qui dérobait à ses yeux l’intérieur de ce vaste continent. Livingstone le déchira ; et, sur ses traces, de hardis explorateurs se lancèrent. Avec la mer pour base et point d’appui, ils sillonnent le continent noir en tous sens, rectifiant les idées fausses que l’on s’en faisait, nous révélant les conditions d’existence de près de deux cents millions d’êtres humains disséminés sur une superficie de 31,400,000 kilomètres carrés.

Ce qu’ils peuvent apporter pour leur quote-part à l’actif de l’humanité, ce qu’ils peuvent produire et récolter, on ne le sait encore que confusément ; mais les récits des explorateurs ne laissent plus de doutes sur la richesse et la fertilité du sol de l’Afrique centrale, pas plus que n’en laisse, sur la richesse et la fertilité du littoral et d’une partie de l’intérieur, l’exposition de l’Algérie et de la Tunisie, de l’Egypte et du Maroc, de la colonie du Cap et du Transvaal. Il semble même que ce que l’on sait et ce que l’on voit soit peu de chose à côté de ce que l’on ignore, qu’on n’ait encore effleuré que les régions les plus ingrates, et que les promesses de l’avenir ne doivent l’emporter de beaucoup sur les réalités du présent.


II

Et cependant elles ont grand air, ces réalités qui s’entassent dans le palais de l’Algérie. Construit par M. Ballu, qui s’est heureusement inspiré des études faites par lui pour le compte de la commission des monumens historiques, le palais ouvre, sur le quai d’Orsay et l’avenue centrale des Invalides, son porche à triples arcades et sa porte ornée de faïences qui rappelle le mihrab de la mosquée de la Pêcherie. Le vestibule donne accès à l’élégant minaret, reproduction de celui de Sidi-Abd-er-Rhaman, et aux loges en encorbellement, décorées de balustrades algériennes, d’où le regard plane sur un pittoresque fouillis de constructions basses, sur les villages et campemens exotiques, sur le palais des colonies et de la guerre, de la Tunisie, de l’Annam, du Tonkin, de la Cochinchine, sur la pagode d’Angkor, et se pose sur le dôme étincelant des Invalides, qui se profile à l’horizon.

Il est plein à déborder, ce palais où, dans trois vastes salles, nos trois provinces africaines : Oran, Alger et Constantine, exposent les produits multiples de leur sol et de leur industrie. Si, par la pensée, nous nous reportons aux expositions précédentes, même à celle de 1878, la plus rapprochée de nous, l’étape franchie, le progrès réalisé, frappent d’étonnement. Cet étonnement redouble en