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semble qu’en somme elle ne sort pas vaincue du combat qu’elle livre depuis quinze ans. Ses congrégations, qu’on avait si bruyamment chassées, se sont reformées, ses collèges ont retrouvé leurs élèves ; les mesures qu’on avait prises contre elle ont tourné à son avantage. On croyait qu’elle ne pourrait pas supporter le droit commun ; il lui réussit mieux que le privilège. Ses instituteurs, qu’on a forcés, avec raison, de subir leurs examens et de conquérir leurs diplômes, sont devenus plus habiles et plus autorisés. Ils ont rajeuni leurs vieilles méthodes et se sont mis au courant des connaissances nouvelles. L’État a donc gagné fort peu de chose à ces luttes étourdiment engagées, soutenues sans suite et sans plan, avec des alternatives maladroites de violence et de faiblesse ; il lui reste à voir s’il ne tirera pas plus de profit d’un régime de paix et de liberté.


II

Après ce souvenir rapide donné aux fêtes de l’Université de Montpellier, il me semble qu’il ne sera pas inutile de rappeler en quelques mots son histoire : ne convient-il pas de montrer qu’elle était digne des honneurs qu’on vient de lui rendre ?

Cette histoire est du reste très facile à faire. Tous les élémens en ont été rassemblés par un savant modeste, d’une érudition aussi sûre qu’étendue, M. Alexandre Germain, qui consacra toute sa vie à étudier le passé de la ville dont il avait fait sa patrie. Après avoir publié successivement l’histoire de la commune et du commerce de Montpellier, il se préparait à nous donner celle de son Université. La mort ne lui a pas permis d’achever son œuvre, mais les nombreux mémoires qu’il a répandus dans divers recueils en contiennent l’essentiel, et, pour la faire bien connaître, il suffit de les résumer.

M. Germain établit d’abord que les écoles de Montpellier sont beaucoup plus anciennes qu’on ne croit, qu’elles étaient importantes et fréquentées bien avant la bulle de Nicolas IV, qui leur donna l’institution canonique. Il est difficile de dire quand elles ont commencé, ou même si elles ont jamais commencé. Peut-être sont-elles la continuation directe de celles qui existaient dans les villes romaines à la fin de l’empire. Désertées, pendant les misères de l’invasion, elles refleurissent dès que le monde respire. Le XIIe siècle est pour elles une époque de merveilleuse renaissance. A ce moment, les royautés modernes se fondent, la papauté établit sa puissance, les communes deviennent indépendantes, les peuples se fréquentent et se connaissent, les intelligences s’ouvrent, partout on éprouve le désir de s’instruire, le besoin de savoir. Montpellier,