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secours qu’elles pourraient se prêter mutuellement et à l’éclat que cette union jetterait sur elles ; mais je crois bien qu’il était encore plus préoccupé de la valeur des grades qu’elles étaient chargées de conférer. Il importait à l’Église que la licence, c’est-à-dire la permission d’enseigner, ne fût pas donnée au hasard. Elle savait bien que la présomption, la légèreté, l’ignorance, conduisent souvent à l’hérésie, et ne voulait laisser monter dans les chaires que des esprits sages et préparés par de solides études. Elle pensait que l’importance des juges assurerait le sérieux des examens, que des corporations puissantes, honorées, auraient le sentiment de leur dignité et le respect d’elles-mêmes, qu’elles seraient moins disposées à céder à de futiles raisons et à des influences étrangères, qu’elles ne voudraient pas avilir des titres dont elles tiraient leur autorité, et ne les accorderaient qu’à ceux qui méritaient de les obtenir.

On voit, par la bulle de Nicolas IV, que l’Université de Montpellier se composait primitivement de trois Facultés : les arts, le droit et la médecine. Il n’est pas question de la théologie. Ce n’est pas que l’étude en fût négligée. A Montpellier, comme partout, on devait la tenir pour la première de toutes les sciences ; mais on l’enseignait dans les couvens, et même on l’y enseignait avec éclat. C’est là que saint Antoine de Padoue expliqua les saintes lettres, et que Raymond Lulle, le grand savant du moyen âge, exposa les principes de la science universelle. Du reste, cette lacune apparente fut comblée en 1421 par le pape Martin V, qui institua la Faculté de théologie et l’annexa plus particulièrement à celle de droit. Dès lors l’Université de Montpellier est complète, plus complète même que celle de Paris, car sa Faculté de droit comprend le droit civil comme le droit canon, tandis qu’à Paris le droit civil n’a été enseigné qu’à partir de 1769 : jusque-là on allait l’apprendre à Orléans. Voilà donc tous les enseignemens définitivement groupés ensemble ; mais leur union est moins intime, moins serrée qu’au premier abord on serait tenté de le croire. Aucune des parties dont l’Université se compose ne consent à s’absorber dans les autres ; chaque Faculté continue à vivre de sa vie propre et conserve son caractère particulier[1]. Aussi convient-il de les étudier séparément, si l’on veut avoir quelque idée de leurs destinées pendant ces six siècles de durée.

Parlons d’abord de la Faculté des arts, puisque c’est par elle

  1. Cela est si vrai qu’à Montpellier les facultés de droit et de médecine ont souvent reçu le nom d’université de droit et d’université de médecine, comme si chacune d’elles se suffisait et formait un corps à elle seule.