Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 100.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

12 REVUE DES DEUX MONDES. dans le sourire, et jusque dans l'air de crànerie qu'elle aimait à prendre et qui devait être légèrement afiecté. — Eh bien! à quoi pensez-vous? Comment! encore là tous les deux!.. Real, mon ami, on avait raison de me le dire tout à l'heure, il ne faut pas se fier à vous : vous compromettez les jeunes filles. — Ah çà! Mais vous? que venez-vous faire ici? — Vous chercher, mon bon, mon cher ami... On m'a fait obser- ver que, l'absence de Madelon se prolongeant, il n'était guère con- venable de la laisser rejoindre la chasse, Dieu sait quand ! sous votre seule escorte. — Qui vous a fait observer cela? — La personne qui, seule, en avait le droit : Rodolphe. — Votre mari!.. 11 est bien scrupuleux! M. Real avait plissé son Iront d'un air mécontent, presque em- preint de haine. — On n'est jamais trop scrupuleux, ami Frantz, lorsqu'il s'agit de la réputation d'une jeune fille. — Bah! la réputation!.. Est-ce que la vôtre a été fort endomma- gée jadis par notre intimité? Gela n'a pas empêché votre mari de vous épouser, n'est-ce pas? — Nous étions des enfans. — Au début, oui. Mais, plus tard, quand je venais passer mes vacances à Nancy... pas si enfans que cela!.. Moi, du moins, votre aîné... Nous avions grandi... Savez-vous que j'ai été amoureux de vous ? — Vous avez eu tort... de ne pas me le dire plus tôt, dit en riant M me de Buttencourt. Je crois que je ne vous aurais point fait mauvais visage : je ne connaissais pas encore Rodolphe. — Merci bien... D'ailleurs, j'ai eu raison de ne rien vous dire et vous avez eu raison de ne rien voir, car, un beau jour... — Vous avez déserté le culte de la pauvre Hélène Hart pour vous vouer tout entier à celui de sa belle cousine, Marie-Made- leine... Inconstant!.. Mais, baste! je vous pardonne... Et, vous savez, mes enfans, je protège vos amours... — Vos amours ! fit en se récriant Marie-Madeleine. Doucement, je te prie! Je n'ai rien dit, moi. — Mais tu n'en penses pas moins. — Erreur! fit la jeune fille avec un sourire contraint. J'ai l'âge de dire ce que je pense; et, apparemment, si je ne dis rien, je n'en pense pas davantage. Tu oublies que je suis plus âgée que toi... — Eh bien, n'importe! J'ai mis dans ma tête que vous vous épouseriez... D'abord, mon amour-propre est intéressé à votre ma-