Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 100.djvu/20

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

lk REVUE DES DEUX MONDES. M. Real se retira, cette fois, docilement, laissant les deux cou- sines en tètc-à-tête. M rae de Ruttencourt n’axait rien à gagner au voisinage de Marie- Madeleine, surtout quand elle était revêtue de ce costume de chasse, un peu lourd, qui l’écrasait, elle, femme fluette et débile, tandis (lue le même costume semblait faire valoir au suprême degré la perfection plastique et la grâce robuste de la jeune fille. Mais il ne devait pas y avoir place pour la jalousie, ou du moins pour une rivalité féminine, dans l’évidente amitié qui unissait l’une à l’autre les deux jeunes parentes. Car elles se regardaient sans aucun souci d’analyse. — Tu sais, fit la baronne, que voilà une migraine à laquelle je ne crois guère !. . J’y crois d’autant moins qu’elle t’est venue plus indirectement. Tu as d’abord prétendu que tu avais oublié quelque chose... C’était donc ta migraine que tu avais oubliée et que tu es venue chercher ici au milieu des bouquins ? — En tout cas, ce n’est pas M. Real que je cherchais, car c’est un peu pour le fuir... — Sérieusement, te déplairait-il, à présent? — ?son; mais il me gêne. 11 met trop d’insistance, il apporte trop d’acharnement dans sa poursuite. — Pauvre Frantz! Ah! il est certain qu’il en tient... Encore un que les yeux et le sourire et la taille de ma petite charmeuse de cousine ont mis à mal ! — Oh! toi, c’est ton idée fixe. A t’entendre, tous ceux qui m’ap- prochent sont foudroyés. — Dame! il y a des exemples... Entre autres, Edgar Lecourtois, cet ex-hurluberlu, mis au vert par son vénérable homme de père, et qui prend son mal en patience depuis que tu es ici... et surtout depuis qu’il est venu t’y rejoindre. Témoin encore le jeune Remille- mont, un autre voisin, de Nancy aussi celui-là, et qui a été atteint, incendié l’année dernière... et qui n’était pas assuré, paraît-il, car il est encore en cendres, inconsolé, inconsolable... Je te dis que tu les electrises, que tu les foudroies, sorcière! — Quel gaspillage de fluide, alors! fit la jeune fille en haussant les épaules et en secouant la tête. Car, de quelle utilité peuvent être, je te le demande, ces coups de foudre multipliés? - Écoute, que tu n’aies cure de désastres comme ceux que je viens de te rappeler, je le conçois. Mais que tu fasses la sourde oreille aux déclarations reitérées, à l’amour et au désespoir évi- dens d’un homme comme Frantz Real, j’avoue que je le comprends moins. Tu es étrange! riposta Marie-Madeleine avec une légère impa-