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l(i REVUE DES DEUX MONDES. rine sans danger, il faut un bonnet plus rébarbatif et peut-être... plus... plus stable que le tien... Oh! ne te fâche pas : la colère te va si mal! Ne rougis pas non plus : la confusion ne te va guère mieux. — Alors, parlons d’autre chose... Quelles jolies couleurs que celles de l’équipage de Rubécourt ! — Elles te siéent mieux qu’à moi. Et ce serait à croire qu’on les a choisies pour toi, si ce n’étaient celles de la famille de Rodolphe depuis un demi-siècle, au moins. Moi, si j’avais eu voix au cha- pitre, j’aurais combiné le drap blanc ou gris avec le velours pen- sée : une livrée d’opéra comique, mais assortie à ma petite phy- sionomie... Enfin, puisque le vert, l’amarante et les galons de vénerie te vont, il n’y a que demi-mal. Mais on jurerait que tu as été consultée. — Je n’ai jamais connu ton mari assez intimement pour lui faire porter mes couleurs. Et, si je porte les siennes, c’est que tu l’as voulu, pour que nous eussions mieux l’air de deux sœurs. Ce fut dit avec un mélange de tendresse reconnaissante et de mystérieuse amertume. — Eh! oui, c’est toute mon ambition, — répliqua gentiment Hélène, sans paraître remarquer le ton à demi chagrin de sa cou- sine. — Plus je te traiterai comme une sœur, plus je mettrai les faits d’accord avec mes sentimens... Mais, en attendant l’accord parfait, si tu dépouillais ce plumage, plus brillant que commode? Dès l’instant que tu ne galopes pas, à travers champs et forêts, sur les voies d’un daguet ou d’un broquart... — Rien ne presse, interrompit Marie -Madeleine. J’ai tout le temps, avant que la grand’mère de ton mari soit levée et habillée... habillée surtout. — Je vais voir s’il fait jour chez elle. — C’est cela. — Mais laisse-moi te dire, tandis que l’occasion n’est pas en- core tout à fait évanouie, que, pour ton mariage, tu peux et tu dois consulter ton cœur en toute liberté. Je sais par mon père que les affaires du tien s’arrangeront. Il paraît que ça s’arrange tou- jours, les affaires... pour quiconque est du métier... Et papa en est. S’il s’en mêle... Et moi? compté-je donc pour rien?.. Oh! j’en- tends ce que tu vas dire : je suis mariée et je serai probablement mère, un jour ou l’autre. Mais j’ai eu quatre millions de dot; et mon mari, qui peut tabler sur la fortune de sa grand’mère aussi bien que moi sur celle de mon père, est assuré, en outre, de re- cueillir tôt ou tard les petites économies de ses oncles maternels, ces deux vieux Cramant Saint-Yvon, passablement pourvus, comme