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Le soir mêne, en effet, il revenait à la charge, ayant une nouvelle arme, tout nouvellement lorgée, à sa disposition.

— Voilà donc, dit-il à la jeune fille après l’avoir mise au courant, une situation bien nette. En vous entêtant dans votre refus, non-seulement vous me désespérerez, mais vous rendrez votre cousine de plus en plus inquiète, sans parler de la possibilité d’un scandale qui la rendrait à tout jamais malheureuse. Si, au contraire, vous acceptez mon nom…

— C’est impossible, interrompit Marie-Madeleine d’un ton à la fois découragé et résolu. Moi, grand Dieu ! moi, votre femme, après… Non, non !

— Je sais tout ce qu’on peut dire, reprit Frantz. Mais je sais aussi ce qu’il faut penser de ce qui se dit communément. Faites-moi l’honneur de croire que je suis capable d’agir autrement que tout le monde sans avoir à craindre de le regretter.

— Je vous crois très capable, dit sérieusement la jeune fille, de payer de votre vie une heure d’amoureuse folie. Mais, moi, je ne suis pas capable, grâce au ciel ! d’acheter un faux bonheur au prix d’une existence d’homme.

— Vous ne voulez pas consentir ?… Eh bien ! faites-en le simulacre. Cela, vous ne pouvez pas vous y refuser, car ce n’est ni de votre conscience ni de mon bonheur qu’il s’agit, mais du repos d’une femme que vous aimez et qui n’a rien à se reprocher. Ayez l’air de vous être enfin rendue à mes instances. Vous regagnerez Nancy sur-le-champ. Je prierai votre cousine de vous y reconduire elle-même… et je crois pouvoir vous affirmer qu’elle ne se fera pas prier longtemps. Une fois là-bas, chez vous, vous serez libre… et en sûreté.

— En sûreté, murmura Marie-Madeleine, qui sait ?

— Pardon ! Vous serez en sûreté tant que je serai votre fiancé

Elle finit par céder. Ce qu’on lui demandait était si évidemment conforme à l’intérêt de tous, qu’il n’y avait pas d’argument valable derrière lequel pût se retrancher son mauvais vouloir.

Le baron de Buttencourt ne broncha point quand on lui fit part du projet, soi-disant définitif. Il avait eu le temps, cette fois, de préparer sa contenance.

— Votre cousine change souvent d’avis, dit-il simplement à sa femme.

Et il la laissa partir avec Marie-Madeleine. — Quant à Frantz, il était déjà loin.

Henry Rabusson.



(La dernière partie au prochain n°.)