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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 100.djvu/305

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qu’elle est obligatoire, dit M. Guyau, le résultat est simplement renversé : sur 100 accusés, 70 ont reçu l’instruction grammaticale et scientifique, 30 ne l’ont point reçue. » On sait encore que le nombre des crimes et délits commis par les enfans mineurs va augmentant. Les connaissances de tout ordre dont sont chargés les programmes scolaires n’ont point le correctif d’une forte éducation morale. Dans l’instruction secondaire, si les sciences finissaient par tout absorber aux dépens des lettres et de la philosophie, nous sommes persuadé qu’il en résulterait, sous d’autres formes, une véritable démoralisation.


III

La réforme des études scientifiques doit se proposer un double objet : simplifier, unifier ; — ce qui n’est possible que par une organisation philosophique de renseignement.

Dans l’arbre de la science, que faut-il faire connaître aux enfans ? — Les racines, le tronc et les branches principales ; ne leur faites pas compter les feuilles. Pour les jeunes gens, il faut aussi ramener tout à l’essentiel : plus on réduira l’étude particulière des sciences, plus on développera l’esprit véritablement scientifique, qui est le contraire de la dispersion et de la mémoire machinale. Si un Descartes refaisait aujourd’hui un Discours de la méthode, comme il démontrerait la profonde inutilité de la plupart des études dites scientifiques ! Inutilité pratique et inutilité pédagogique, pour ne rien dire de plus. Quel magistral coup de ciseaux il donnerait dans ces programmes qui semblent n’avoir d’autre but que d’étourdir l’esprit, et, comme on disait au temps de Descartes, de l’étonner, — Pascal eût dit plus encore : « de l’abêtir ! »

Prétendra-t-on que ce lourd bagage technique soit nécessaire pour les industriels, les ingénieurs, les médecins, les officiers de l’armée, etc. ? Il faut voir les choses de près pour se convaincre de tout ce qu’il y a encore là d’illusion. Chaque carrière a besoin d’un bon nombre de connaissances spéciales et d’un petit nombre de connaissances générales. Les connaissances spéciales, on les acquiert par la préparation immédiate à telle profession, et surtout par la pratique de cette profession, qui vous met, comme on dit, au pied du mur. Quant aux connaissances scientifiques générales, elles n’ont nul besoin d’être si étendues : savoir le strict nécessaire, mais le savoir à fond, voilà qui suffit. Les fondateurs de l’École polytechnique, dit Biot, « ces hommes habitués aux idées générales, et dont la révolution avait encore exalté les esprits et agrandi les vues,.. comprirent que la science d’un bon ingénieur se compose