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toujours eu mauvaise opinion de la tournure que prenaient les événemens et il avait averti Charles Ier du danger qu’il courait. « Quelque temps avant la guerre, il dit à feu Sa Majesté le roi Charles Ier et à Sa Majesté, maintenant la reine-mère, qu’il observait par l’humeur du peuple l’approche d’une guerre civile, et que la personne de Sa Majesté courait risque d’être déposée, si on ne prenait pas à temps des mesures pour empêcher cet événement. » La prédiction se réalisa peu après par la révolte des Écossais, et alors Newcastle, avec plus de loyauté que de confiance, offrit son concours à Charles Ier sous la double forme de la bourse et de l’épée. Il prêta 10,000 livres à ce malheureux prince, que les querelles avec son parlement laissaient fort à court d’argent, et se montra disposé à accepter tous les commandemens qu’il voudrait lui donner, mais sans y mettre aucun empressement marqué. Au contraire, tout ce qui l’éloignait du théâtre de l’action lui était agréable. Au commencement des troubles il apprit que le parlement parlait de forcer le roi à lui retirer le poste de gouverneur du prince de Galles ; il prit les devans et pria le roi d’agréer sa démission, et se retira dans ses loyers, heureux d’être rendu à ses chers exercices d’équitation et de poésie.

Il fit la guerre civile avec entrain, avec verve, avec brio, mais en même temps avec une intermittence dans l’action qui semble accuser son énergie et une indolence qu’on a pu croire quelquefois calculées. Jamais il ne sut concentrer ses forces pour un grand dessein et combiner un coup décisif. Un jour, causant avec la duchesse, il se prononça nettement contre les généraux qui multiplient les escarmouches au lieu de réserver leurs forces pour des batailles rangées ; il faisait, en parlant ainsi, la critique de sa propre carrière militaire. Il n’eut jamais de grandes batailles, mais seulement des combats plus ou moins brillans et plus ou moins heureux. Ce qui apparaît clairement, c’est que son labeur militaire eut grande ressemblance avec la fameuse toile de Pénélope et qu’il lui fallait chaque matin recommencer le travail de la veille. Pendant trois longues années, malgré la surprise où les succès de ses premiers combats laissèrent les populations, il ne put faire un pas hors de ces comtés du Nord, où il avait son commandement. Les forces qu’il dispersait se reformaient quelques lieues plus loin, les villes qu’il emportait sans trop de peine redevenaient rebelles dès qu’il s’en éloignait et le forçaient à revenir sur ses pas. La seule condition de succès pour le parti royaliste était cependant dans la jonction des forces du nord avec celles du centre et du sud que commandaient Rupert et Charles en personne. Enfin, un jour, il se vit enfermé dans York par les rebelles et serré de si près qu’il fallut