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une marche à travers un désert sans eau. Ceux qui avaient fait usage de ces alimens étaient, après quelques jours de marche, horriblement souffrans de la soif.


Prise d’Alexandrie.

Bonaparte, ne voulant pas laisser aux beys le temps de se fortifier dans Alexandrie, mit en marche, dès le lendemain du débarquement, le 3 juillet, une avant-garde d’environ 4,000 hommes dont je faisais partie.

Nous marchâmes vers la ville d’Alexandrie. Elle n’était défendue que par quelques janissaires turcs, les équipages de quelques bâtimens de cette nation, et un certain nombre d’Arabes. Nous ne disposions pas encore d’une pièce de canon, mais comme la place n’avait qu’une faible garnison, comme les murailles étaient en mauvais état, nous montâmes immédiatement à l’assaut. La 32e eut l’honneur de former la tête de la colonne d’attaque de la vieille enceinte. J’arrivai sur le mur un des premiers. Je donnais la main, pour l’aidera prendre pied, à M. Mas, colonel en second de la demi-brigade, quand tout à coup un Turc, que je ne voyais pas, s’élance de derrière un mur et tue le colonel Mas raide à mon côté.

La ville fut enlevée d’emblée, mais on se fusilla dans les rues toute la nuit. Le lendemain, les Turcs, qui s’étaient retirés dans le fort du phare, se rendirent à discrétion. Nous bivouaquâmes en avant de la porte de Rosette.

Le 8 juillet, l’armée, après avoir laissé une garnison à Alexandrie, se mit en marche, se dirigeant directement vers le Caire.

Nous entrâmes dans un désert de sable où l’on ne trouva pas d’eau de toute la journée. La chaleur était insupportable ; la nuit, au contraire, fut très froide ; le matin, nous étions tout trempés de rosée. Le lendemain, mêmes privations que la veille. Ce jour-là nous rencontrâmes quelques huttes de paysans, formées de trous creusés en terre. Auprès d’elles était un fossé plein de boue, nous en exprimions l’eau à travers nos cravates.

Le 10, nous arrivâmes au vilain village de Birket, où nous trouvâmes un peu de bien mauvaise eau.

L’armée souffrait, elle murmurait, et il y eut plusieurs actes d’indiscipline. Nous étions dans un triste état, et toujours suivis, pendant les marches, par une nuée d’Arabes qui massacraient impitoyablement tous les hommes que leur faiblesse ou leurs souffrances faisaient rester en arrière.

Le 11 juillet, nous arrivâmes à Damanhour. C’était le premier centre habité que rencontrait l’armée. L’aspect hideux et misérable des habitans, le mode de construction de leurs baraques infectes,