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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 100.djvu/597

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l’emportâmes d’emblée et nous trouvâmes ainsi maîtres de l’unique issue du camp de l’ennemi. Les mamelucks voulurent tenter d’en sortir, mais en un instant l’entrée du village fut encombrée par les corps des hommes, des chevaux, des chameaux tombés sous notre feu ; ils formaient une haute barricade. Le carnage était horrible. Des deux côtés on ne faisait pas de prisonniers.

Pendant que nous nous rendions maîtres du village d’Embabeh, la division, qui avait continué sa marche, avait culbuté les défenseurs du camp, et y entrait de front.

Nous eûmes alors un spectacle terrible. Qu’on s’imagine un corps de plus de 4,000 hommes, composé spécialement de cavaliers, enfermé dans une sorte de cour close ; et ces hommes fusillés de toutes parts, chargés à la baïonnette quand ils voulaient en sortir, et réduits, ou à se laisser tuer, ou à se jeter dans le Nil.

Presque tous ceux qui se mirent à la nage furent fusillés dans l’eau, quelques cavaliers seulement réussirent à traverser le fleuve avec leurs chevaux. lbrahim-Bey, qui était campé sur la rive droite, fut spectateur immobile du combat que nous livrions à son collègue Mourad-Bey.

La 32e eut la gloire de cette belle affaire. Nous avions pris un camp tout tendu, renfermant beaucoup d’objets précieux, des armes de la plus grande richesse, une grande quantité de beaux chevaux somptueusement harnachés. Les soldats purent se charger d’or et d’argent monnayés. De notre côté, les pertes avaient été considérables, car les mamelucks s’étaient bravement défendus jusqu’à la mort.

Nous passâmes la nuit dans le camp conquis et nous vîmes les mamelucks d’Ibrahim brûler, sur l’autre rive, la plus grande partie de leur flottille.

Le 22 juillet, nous séjournâmes sur le champ de bataille ; il était indispensable de nettoyer nos armes et de faire disparaître tous ces cadavres.

Une députation vint assurer le général en chef de la soumission de la ville du Caire. Je remarquai que la plus grande partie de cette députation se composait des agens des consulats européens, de Francs établis au Caire, mais qu’il ne s’y trouvait que peu ou point de musulmans.

Le 23 juillet, nous traversâmes le Nil dans des barques venues de l’autre rive, et nous fîmes notre entrée dans la capitale de l’Egypte. La demi-brigade campa sur la place de Birket-el-Fil (ou des Eléphans).

La ville du Caire est très grande, mais mal bâtie. Ses rues, étroites, comme celles de tout l’Orient, ne sont point pavées et sont fort sales. La population est misérable et hideuse. Les