mieux rendue aux pauvres ; mais les gens du monde, les hommes intelligens furent froissés, les femmes violemment irritées. La force de la réaction qui suivit, sous Manassès, semble bien indiquer que les saints, pendant qu’ils furent les maîtres, abusèrent plus d’une fois de leur pouvoir.
Un des plus beaux morceaux lyriques de la littérature hébraïque, le psaume Quare fremuerunt gentes, se rapporte peut-être à ce temps. Le triomphe des anavim y est associé à une défaite des rois de la terre, qui avaient juré la ruine du peuple saint. Le roi de Sion est l’Oint de Iahvé ; Dieu lui a dit : « Tu es mon fils ; aujourd’hui je t’ai enfanté. » Les complots que l’on forme contre lui sont frivoles. Les impies veulent rejeter le joug qui pèse sur leur tête. Iahvé se rit d’eux. Le roi les gouvernera avec une verge de fer, les brisera comme un vase d’argile. Grande leçon pour ceux qui jugent la terre ! Servir Iahvé avec crainte, voilà ce qui sauve au jour de la colère. Comme Isaïe, le poète lyrique rêve un monde converti au iahvéisme et voit le règne du roi messianique s’étendant jusqu’aux extrémités de la terre.
Une maladie que fit Ézéchias montra bien les nuances singulières de la piété du temps. Isaïe, connaissant la gravité du mal, lui dit : « Règle les affaires de ta maison ; car tu es un homme mort. » Ézéchias se tourna contre le mur et adressa cette prière à son Dieu : « Ah ! Iahvé, souviens-toi donc que j’ai marché devant toi avec fidélité, d’un cœur intègre, et que j’ai toujours fait ce qui était agréable à tes yeux. » Et il pleurait beaucoup. Isaïe n’était pas encore sorti de la cour intérieure que la parole de Iahvé descendit à son oreille : « Retourne et dis à Ézéchias, le chef de mon peuple : Voici ce que dit Iahvé, le dieu de ton père David. J’ai entendu ta prière, j’ai vu tes larmes : je vais te guérir. Dans trois jours, tu monteras à la maison de Iahvé, et j’ajouterai à tes jours quinze années encore. » Ézéchias demanda un signe pour être plus sûr de la vérité de la prophétie. Le prodige choisi par Isaïe reste pour nous une énigme. Il consista, paraît-il, à faire reculer de dix degrés l’ombre du cadran solaire établi dans la cour du palais par Achaz. Isaïe fit en outre appliquer un cataplasme de figues sur la pustule. Le roi, après sa guérison, composa sur sa convalescence un cantique qui nous a été conservé :
« Au milieu de mes jours, je m’en vais aux portes du scheol ;
Je suis privé du surplus de mes ans.
« Je ne verrai plus Iahvé sur la terre des vivans,
Je n’aurai plus de commerce avec les humains,
Je n’aurai pour compagnons que les habitans du repos.