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Après avoir passé en revue les critiques formulées par les inspecteurs, M. Rouvier reprend dans ses conclusions les déclarations du début de son rapport au président : « L’impression générale qui se dégage des résultats de l’enquête, c’est que la situation du Crédit foncier de France est intacte, mais qu’elle sera fortifiée encore, si la société limite de plus en plus ses opérations aux prêts hypothécaires et communaux en vue desquels elle a été constituée. »

Deux jours plus tard, le ministre, s’adressant à la chambre, n’est pas moins affirmatif : « Le Crédit foncier a-t-il été administré de telle façon que les gages soient insuffisans, que son crédit soit atteint ? Et l’inspection des finances, avant même que le ministre vous apporte ici cette déclaration, répond : Non, le crédit de ce grand établissement est intact, les gages sont solides. » L’inspection des finances appelle elle-même des « défectuosités » les irrégularités qu’elle signale, et elle ajoute que, lorsque ces défectuosités auront disparu, le crédit de l’établissement, déjà puissant et solide, ne pourra que s’accroître, s’élever, se fortifier.

Après le témoignage du ministre des finances et celui de l’inspection, très respectables l’un et l’autre, nous invoquerons celui des chiffres, plus rigide, plus impartial encore. Il est d’assez bon ton de médire des chiffres ; des économistes, même des plus sérieux, ne s’en font pas faute. Il est vrai que, trop souvent, on leur fait dire à peu près ce qu’on veut. D’un même lot de nombres bien déterminés, s’appliquant à des objets définis, distincts, deux virtuoses de la statistique sauront tirer des démonstrations entièrement différentes ; et s’il en survient un troisième, on ne devra pas être surpris s’il fait tenir à ces nombres un langage qui ne ressemble en rien à celui de ses deux confrères. Cependant, les chiffres ont leur valeur et leur éloquence. Exposés simplement, sans artifice, ils aideront à trouver la vérité, à confondre l’erreur. Interrogeons donc quelques chiffres empruntés aux rapports annuels du Crédit foncier. Nous avons à peine besoin de rappeler, pour l’édification des esprits défians, qui redoutent de la supercherie jusque dans les rapports officiels, que la sincérité des documens dont il s’agit n’est pas seulement garantie par l’honorabilité de ceux qui les ont rédigés, mais qu’elle est, en outre, attestée par des censeurs dont le rôle est suffisamment indiqué par le titre de la fonction qu’ils exercent et par un conseil d’administration dans lequel figurent, à côté de notabilités financières, des illustrations de la science, de la littérature et de la philosophie.

Rappelons d’un mot les origines du Crédit foncier. Le 28 février 1852 est publié un décret du président de la république de ce temps-là, où sont édictées les conditions essentielles dans