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exposition au grand jour. L’État lui-même, quand il émet un emprunt, ajoute au montant de l’opération un montant complémentaire pour les frais de publicité ou autres qu’elle entraîne. La ville de Paris fait de même. Il y a deux ans, le conseil municipal, saisi d’un accès de farouche colère contre la corruption de la publicité, voulut se passer des services de cet instrument ; il lança un emprunt incognito. A peine les murs parlèrent-ils de loin en loin de la nouvelle obligation municipale, les journaux restèrent muets. L’emprunt fut mal souscrit. Lors de la dernière souscription, il fallut fixer un taux d’offre plus bas et solliciter le concours de la publicité. Comment voudrait-on que le Crédit foncier, qui fait de fréquentes et larges émissions, et qui doit soutenir, le cas échéant, le crédit de 3 milliards en obligations, n’usât pas de la puissance de cette arme redoutable ? User, soit, mais abuser est condamnable et nuisible, même au crédit, dont l’intégrité finit par souffrir du zèle indiscret de la défense organisée à son profit. Telle est la thèse, et elle n’est point déraisonnable. Il y a même quelque naïveté à la formuler, tellement elle touche au lieu-commun.

Il y a plus encore. Le terme vague de publicité ne couvre-t-il pas ici des choses qui n’ont avec ce mode de diffusion et de propagation que des rapports très lointains ? N’est-ce pas là un pavillon qui couvre de bien vilaines marchandises ? A la chambre, on a appelé les choses par leur nom. Au lieu de publicité, on a parlé de subventions régulières à la presse, on a été presque jusqu’à demander les listes, avec les sommes. Un de nos confrères d’Angleterre, le très respectable Economiste en a pris texte pour tonner, dans un de ses derniers numéros, contre la corruption et la bassesse des mœurs vénales de la presse française. Il a plaint le sort de ces malheureux actionnaires du Crédit foncier, à qui un gouverneur éhonté, avec la complicité du ministre des finances et de la majorité de la chambre des députés, dérobe l’argent qui devrait leur être distribué en dividendes, afin de soudoyer tous les journaux de Paris, de faire taire les aboiemens des uns ou de provoquer les dithyrambes des autres. Les actionnaires du Crédit foncier ne nous avaient pas jusqu’ici semblé si à plaindre. Quant à l’Economist, il fera difficilement croire à des Français, même en multipliant les shocking ! et les proh pudor ! que l’on ne se sert pas de la publicité en Angleterre, même de la moins recommandable. Et si nous passions l’Atlantique pour constater comment les choses se passent au pays des Yankees, nous en verrions bien d’autres encore.

Tout se ramène à une question de quotité. Si le Crédit foncier a trop dépensé en publicité, le ministre a raison de l’inviter à une