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comte de Paris, y siégeait. Il avait pour assesseurs le lieutenant civil et le lieutenant criminel. Une infinité d’hommes de loi tournaient autour de cette juridiction locale. La Basoche du Châtelet était aussi nombreuse que la Basoche du Palais. Les clercs de notaire et de procureur allaient et venaient sous ces voûtes sombres, qu’il fallait franchir pour aller de la rue Saint-Denis au Pont-au-Change.

Non loin du Châtelet, en longeant la Vallée-de-Misère, qui suivait la Seine, on rencontrait le For-l’Évêque, autre prison, autre vestige du moyen âge ; et tout à coup, derrière Saint-Germain-l’Auxerrois, on débouchait, en pleine lumière, sur le Pont-Neuf. Sa construction récente, ainsi que celle de la place Dauphine, ouvrait de ce côté un jour sur Paris et permettait d’en saisir les lignes générales.

Le dos tourné à la Cité, le spectateur avait sous les yeux un tableau semi-urbain, semi-villageois :


Sans sortir de la ville, on trouve la campagne,


dit Boileau, et le graveur, commentant avec son burin le vers du poète, nous montre des ânes et des chèvres paissant sur la berge, entre les Tuileries et la Seine. Dans le lointain, on distinguait les hauteurs de Chaillot, mornes, crayeuses, tachées de plaques d’un gazon pelé ; parmi quelques rares vignes et des champs labourés, on n’y voyait guère d’autre construction que le castel italien bâti par Catherine de Médicis, et dont Bassompierre venait de faire un vide-bouteilles. Le Cours-la-Reine n’était pas encore planté ; tout le terrain, depuis Chaillot jusqu’aux remparts, était en prés et en cultures maraichères. Le jardin des Tuileries venait d’être aménagé en carrés taillés à la française, en « dessins de broderies, » comme on disait alors. Il renfermait, au fond, une garenne à proximité de laquelle on avait placé le chenil et les bêtes féroces du roi. Le palais, commencé par Catherine de Médicis, repris par Henri IV, venait d’être achevé. Ses cinq pavillons italiens, reliés par des corps de logis tout battans neufs, faisaient, de ce côté, une assez belle façade de Paris sur la campagne. On travaillait aux galeries du Louvre. Le long du jardin des Tuileries, pas de quai ; rien qu’une grève sablonneuse en été, boueuse en hiver, longée par une muraille médiocre. Deux portes donnaient, de ce côté, accès dans la ville : la porte de la Conférence, située à l’extrémité du jardin, et la porte Neuve, touchant le Louvre.

Sur l’autre rive, le spectacle n’était pas plus animé : depuis le coude que fait la rivière à l’endroit que nous nommons le Champ de Mars jusqu’à la rue de Seine, c’était des champs, des marais,